Ce
dossier est composé d'une
série de onze articles, à partir desquels a
été
réalisé le numéro 39 des
Génies de la
Science paru en mai 2009. Les articles seront mis
en ligne
progressivement, au rythme d'un article tous les deux mois environ.
CultureMATH remercie la
rédaction des Génies
de la Science qui a généreusement
accepté la
diffusion de ces documents. Les lecteurs sont vivement
encouragés à découvrir dès
maintenant
l'ensemble du dossier publié (pour le commander, cliquer ici).
SOMMAIRE
1- La science, toujours ... - résumé
- article
2- Le Traité
de dynamique - résumé
- article
3- La science des écoulements- résumé
- article
4- À la conquête de la précession
- résumé - article
5- Mathématicien sous estimé -
résumé
- article
6- Dans le dédale de l'Encyclopédie-
résumé
- article
7- Doutes sur les probabilités
-résumé
- article
8- Littérature, histoire et philosophie-
résumé- article
9- Les polémiques de la raison-
résumé
- article
10- La course aux lunettes
achromatiques- résumé
- article
11- L'empreinte de D'Alembert - résumé
- article
1- La science, toujours ...
Difficile d'avoir, plus
que
D'Alembert, pignon sur rue, au milieu du Siècle des
Lumières. Rédacteur du "Discours
préliminaire"
de l'Encyclopédie,
l'ouvrage phare de l'époque, membre de toutes
les académies, correspondant
privilégié de
Voltaire et de quelques souverains
éclairés:
D'Alembert est l'homme public par excellence. On attendrait donc que
rien de sa vie ne puisse nous échapper et
qu'il suffise
d'ouvrir n'importe quel dictionnaire biographique réel
ou
virtuel pour connaître tant l'essentiel que
l'anecdotique.
Et pourtant ... On en sait encore assez peu sur sa jeunesse,
même si quelques études récentes nous
éclairent sur sa formation; quant à la
variété de ses découvertes,
à la profondeur
réelle de ses travaux parfois déroutants
et à
la réalité de ses relations sociales, leur examen
est
encore loin du but. Ce premier chapitre présente divers
aspects
de la biographie du savant, en insistant sur les plus
inattendus.
Le Traité de dynamique
(1743) est le premier ouvrage de Jean Le Rond D'Alembert (1717-1783).
Ce livre de mécanique analytique entend poser de nouveaux
fondements pour cette science, un critère de
clarté
président à l'énoncé de
trois principes
fondamentaux dont la combinaison permettrait de résoudre
tous
les problèmes de mécanique. Comprendre cette
velléité de refondation passe par l'examen d'un
contexte
philosophique, en particulier la prise en compte de thèses
de
Nicolas Malebranche (1638-1715), ainsi que par l'examen de travaux
scientifiques contemporains.
Cet article vise alors à présenter les aspects
essentiels, tant d'un point de vue scientifique que philosophique, d'un
livre qui, dès sa publication, assura à
D'Alembert une
reconnaissance auprès de ses pairs.
Avec
Daniel Bernoulli, Jean Bernoulli et Euler, D'Alembert est l'un des
quatre grands artisans du processus de construction
théorique de
la science
du mouvement des fluides qui s'étend entre 1738 et 1755. Il
est
en
particulier l'auteur de trois grands traités : le Traité des fluides,
publié en 1744 et qui contient une théorie
unidimensionnelle des écoulements
dans la droite lignée de celle de l'Hydrodynamica de Daniel Bernoulli
; puis les Réflexions
sur la cause générale des vents (1747) et
l'Essai d'une nouvelle
théorie de la résistance des fluides (1752),
fondés sur l'utilisation du calcul différentiel
et intégral de fonctions de
plusieurs variables et dans lesquels il inaugure une nouvelle approche,
dite
analytique, dont Euler s¹inspirera quelques années
plus tard pour établir
ses célèbres équations.
Après 1755, D'Alembert continuera à produire de
nombreuses recherches dans ce domaine, notamment motivées
par ses échanges
avec Lagrange sur le sujet ou dans le cadre de la violente
polémique
scientifique qui l'opposera à Borda dans le courant des
années 1760 et 1770.
Nous proposons ici un panorama de ces deux grandes phases de son oeuvre
en la
matière, complétée par une
présentation synthétique de ses deux
méthodes
(unidimensionnelle et analytique) de mise en équation du
mouvement des
fluides.
Bien
qu'elle fut découverte par l'astronome grec Hipparque au
IIème siècle av. J.C., il a fallu attendre la fin
du XVIIème siècle pour qu'une
explication
soit donnée par Newton du mouvement de la
précession des
équinoxes, qui consiste en un déplacement de
l'axe de
rotation de la terre dans l'espace selon un cône dans une
période de 26 000 ans. En 1748 D'Alembert s'attaque lui
aussi
avec une très grande motivation au sujet. Il
publie dès l'année suivante ses
"Recherches sur
la précession des équinoxes & sur la
nutation de
l'axe de la Terre dans le système Newtonien". Dans cet
ouvrage
d'astronomie théorique, D'Alembert tout en
reconnaissant
le génie de Newton souligne les imperfections de ses
calculs, et
établit pour la première fois une
théorie
très précise et exacte non seulement du mouvement
de
précession mais aussi de la petite boucle de nutation
découverte deux ans auparavant par Bradley...
Selon
une idée répandue, la
créativité mathématique de
D'Alembert était motivée par la
résolution de problèmes physiques. Pourtant,
l'œuvre du savant contient aussi des mémoires de
mathématiques pures.
Existe-t-il, alors, un conducteur à sa
démarche dans ce domaine ?
Répondre à cette question n'est pas
aisé. On ne trouve pas dans l'œuvre
de D'Alembert de traité ou d'ouvrage consacré
exclusivement aux mathématiques qui pourrait servir de
référence et de source. Bien que
parfois conséquents, ses mémoires de calcul
intégral, souvent publiés
dans les recueils académiques, ne prennent que rarement la
forme d'un
traité structuré. Par ailleurs, les
mathématiques sont souvent disséminées
dans des écrits portant sur d'autres sujets
et elles apparaissent de
manière impromptue au fil des textes. Ajoutons que le style
dalembertien
est désordonné et peu pédagogique -
tendance qui s'accentue avec
l'âge...
Jusqu'à aujourd'hui, cette situation délicate a
dissuadé les historiens
d'entreprendre des synthèses sur le thème des
mathématiques
chez D'Alembert. L'édition en cours
des œuvres
complètes du savant
apporte un point de vue nouveau sur les recherches
mathématiques de D'Alembert : se dessine une œuvre
mathématique
certes souvent inspirée des problèmes physiques,
mais qui s'en détache
pour exister à part entière. Nous
évoquerons surtout ici deux apports
qui ont inscrit l'œuvre de D'Alembert dans l'histoire des
mathématiques
: sa preuve du théorème fondamental de
l'algèbre et l'élaboration
d'une première théorie des équations
aux dérivées partielles digne
de ce nom.
D'Alembert
a signé environ 1700 articles, dont 90 % d'articles
scientifiques parmi lesquels 90 % concernent les mathématiques
au sens large, c'est-à-dire comprenant la mécanique,
l'hydrodynamique, l'acoustique, l'astronomie, l'optique. C'est à
ces derniers qu'est consacré ce chapitre.