Histoire : Grèce

Bien des approches de la géométrie grecque ancienne sont possibles. Les grands textes des auteurs hellénistiques, notamment certains fameux problèmes tels que la quadrature du cercle ou la duplication du cube, ont joué un rôle indéniable dans l’histoire des mathématiques jusqu’à une date récente et ont intéressé — et intéressent toujours — les historiens des sciences, les enseignants, le public cultivé … Plusieurs questions restent cependant sans réponse : les premières recherches mathématiques des Grecs nous échappent en grande partie ; nous ignorons à peu près tout de la biographie (en particulier intellectuelle) des principaux géomètres ; les modalités de l’enseignement des mathématiques dans l’Antiquité nous sont fort mal connues. Bien que lacunaires, les sources ne sont pourtant pas muettes. Des oeuvres mathématiques majeures sont parvenues jusqu'à nous au terme de processus de transmission complexes, en particulier par le biais de la tradition savante écrite en langue arabe. Dans ce dossier, Bernard Vitrac présente les oeuvres d'Hippocrate, Euclide, Archimède, Apollonius, Ptolémée, Héron, Ménélaos..., et évoque des lieux et des contextes historiques particulièrement importants pour l'histoire des mathématiques (les cités ioniennes, Athènes, Alexandrie...). Le dossier se répartit en dix articles, complétés par des outils annexes qui seront utiles aux enseignants : bibliographie, chronologie, carte, ainsi qu'une liste des oeuvres mathématiques grecques parvenues jusqu'à nous.

Ce chapitre revient sur le cas « Hippocrate », cette fois du point de vue des techniques géométriques. La tradition ancienne attribue, à tort ou à raison, trois contributions majeures au géomètre de Chio, lesquelles esquissent les principales articulations à venir de la géométrie grecque :

  • Il aurait été le premier à rédiger des Éléments de géométrie.
  • Il aurait introduit la procédure de réduction d’un problème — en l’occurrence celui de la duplication du cube — à un autre, celui de l’insertion de deux moyennes proportionnelles entre deux segments de droite (problème paradigmatique de la géométrie dite ultérieurement « solide »).
  • Enfin son nom est attaché à la quadrature de certaines portions de cercle (appelées « lunules »), possiblement mobilisées pour une tentative de résolution du célébrissime problème de la quadrature du cercle.

Cette contribution nous est connue grâce à un précieux témoignage d’Eudème de Rhodes (IVe s. avant notre ère) — historien de la géométrie et disciple d’Aristote — transmis par le commentateur Simplicius (VIe s.). On y rencontre un style géométrique localement déductif, utilisant des diagrammes, déjà assez proche de celui que l’on trouvera chez Euclide.

La conservation de ce témoignage ne relève par du pur hasard : le Maître (i.e. Aristote) avait parlé d’Hippocrate et sa tentative de quadrature fut tôt interprétée comme un paralogisme. Le premier géomètre grec tant soit peu connu de nous était-il un filou ?

Aux époques historiques, les Grecs disposaient pour écrire les nombres de deux systèmes, qui faisaient l'un et l'autre appel aux lettres de l'alphabet. On sait comment ces numérations fonctionnaient, et il est donc relativement aisé d'en donner une description. Il est en revanche plus difficile de retracer leur évolution: quand apparaissent-elles, de quelle manière coexistent-elles? Aborder ces questions permet d'entrevoir comment l'écriture des nombres est liée à l'histoire d'une société et comment elle accompagne le développement des mathématiques.

a géométrie incarne une forme de rationalité que l'on retrouve dans maints aspects de la civilisation grecque ancienne, l'urbanisme, les arts ou les théories politiques. Pourtant, c'est une discipline récente: il n'y a ni dieu, ni muse de la géométrie...