Ethnomathématiques

L’ethnomusicologue Simha Arom a observé une structure rythmique asymétrique utilisée entre autres par les Pygmées Aka de la vallée de la Lobaye, République centrafricaine. La propriété caractéristique de ces formules rythmiques, l’imparité rythmique, a été étudiée par Marc Chemillier (Mathématiques de la musique d’Afrique centrale, CultureMATH, 2009). Cet article propose une nouvelle approche de cette propriété et en donne un théorème de caractérisation.

La divination sikidy consiste à disposer sur le sol des graines de fano (une sorte d'acacia), sous la forme d'un tableau, dans le but de lire la destinée à travers certaines configurations de graines qui apparaissent dans ce tableau. La procédure de placement des graines comporte une partie produite au hasard (où se manifeste la destinée), et une partie construite à partir de la précédente selon des règles précises. Cette partie calculée du sikidy met en œuvre des propriétés formelles élaborées qui sont celles d'une véritable structure algébrique.

Dans la tradition musicale savante occidentale (et cela vaut aussi pour les traditions savantes non occidentales comme la tradition chinoise), la musique a toujours été associée aux mathématiques. Dans le contexte de sociétés sans écriture, en revanche, cette association peut paraître plus surprenante. Le but de cet article est de montrer quelques cas de répertoires musicaux de tradition orale dans lesquels on peut mettre en évidence des structures musicales complexes comparables à des constructions mathématiques.

Cet article examine une activité procédurale dénommée « jeux de ficelle » (« string figures » en anglais) et pratiquée dans de nombreuses communautés de tradition orale. L’analyse de certaines sources ethnographiques montre que la création des jeux de ficelle provient d’un travail intellectuel développé dans ces communautés autour des concepts de « procédure », d’ « opération », de « sous-procédure », de « transformation » et d’ « itération ». Ce travail a consisté en l’élaboration d’algorithmes résultant d’investigations sur des configurations spatiales d’une grande complexité. De ce point de vue, l’objet « jeu de ficelle » apparaît comme le produit d’une activité mathématique.

L’architecture créole réunionnaise recourt abondamment à des motifs géométriques. Les lambroquins, ces frises de bois ou de tôle qui bordent les toitures, en constituent l’un des éléments les plus caractéristiques. Dans ce dossier, on se propose de présenter l’origine, la fonction utilitaire et la fonction décorative des lambroquins, d’étudier plus spécifiquement leur structure géométrique et de les situer par rapport à l’ensemble des dessins à motifs répétitifs employés dans l’art et l’architecture. Les cinq types de lambroquins rencontrés à la Réunion, leurs fréquences d’emploi et leurs enrichissements esthétiques constituent une véritable signature ethnomathématique de la culture créole insulaire qui s’est développée dans ce département français de l’océan Indien.