D'Alembert: Mathématiciens des LumièresD'Alembert, mathématicien sous-estiméGuillaume Jouve Dossier coordonné par Pierre Crépel |
On appelle, de nos jours, équation aux dérivées partielles (EDP) une équation dont l'inconnue est une fonction $f$ de plusieurs variables et qui fait intervenir les dérivées partielles de $f$ par rapport à ses multiples variables. Cette dénomination est assez tardive. Dans un premier temps, lorsque D'Alembert commence à étudier le problème des cordes vibrantes, il n'y pas de termes pour distinguer les équations aux dérivées partielles des équations différentielles ordinaires (où l'inconnue est une fonction d'une seule variable) : elles sont toutes appelées « équations différentielles ». A partir de 1770, toutefois, une première distinction s'opère, le terme d'« équation aux différences partielles » apparaît sous la plume de Condorcet.
Le problème des cordes vibrantes, tel qu'il est posé au milieu du XVIIIe siècle, consiste à déterminer la fonction $y(t,x)$, qui donne, à chaque instant $t$, l'ordonnée du point d'abscisse $x$ d'une corde fixée en ses deux extrémités. La longueur de la corde est notée $a$ (Figure a ci-dessous).
D'Alembert établit que la fonction $y$ doit vérifier l'EDP $\frac{\partial^2y}{\partial t^2}=\frac{\partial^2y}{\partial x^2}$ en considérant que, sous l'hypothèse de petitesse des vibrations, l'accélération de tout point de la corde est proportionnelle à la courbure de la corde en ce point. Dès 1747, il intègre cette équation aux dérivées partielles et envisage plusieurs types de conditions initiales :Dans ses mémoires ultérieurs sur le sujet, D'Alembert s'attarde surtout sur le cas de la corde pincée. Dans ce cas, la fonction $\phi$ qui représente l'allure de la corde à $t=0$ est impaire (symétrique par rapport à l'une des extrémités de la corde) et périodique de période $2a$ (à cause des conditions aux limites). Dans ce cas, la solution est de la forme $y(t,x)=\phi(x+t)+\phi(x-t)$. Pour D'Alembert, toutefois, la fonction ne peut être définie par morceaux. Il refuse, par exemple, de prendre comme condition initiale la fonction $\phi$ représentée par deux morceaux de paraboles accolés (Figure b ci-dessous) :
- $\phi(x)=x(a-x)$ sur l'intervalle $[0,a]$,Figure
a Figure b |
Certains arguments avancés par D'Alembert pour étayer ses restrictions quant à l'applicabilité de sa solution sont fondés. En effet, comme il le signale, dans les deux cas ci-dessus, il est difficile de calculer $\frac{\partial^2y}{\partial x^2}$ en certains points et, à ce titre, l'équation aux dérivées partielles n'est pas vérifiée partout.
Néanmoins, l'approche de D'Alembert dénote un rejet un peu systématique qu'on appelle à l'époque les « fonctions discontinues ». Il changera d'avis sur ce point à la fin de sa vie et ses arguments auront, au passage, contribué à l'élaboration d'une notion plus moderne de continuité.