D'Alembert: Mathématiciens des Lumières

D'Alembert, mathématicien sous-estimé


Guillaume Jouve


Dossier coordonné par Pierre Crépel


Encart 1 : Nombres imaginaires et théorème fondamental de l'algèbre


Selon le formalisme moderne, $P$ est un polynôme à une variable $x$, s'il s'écrit

$P(x)=x^n+a_{n-1}x^{n-1}+...+a_1 x+a_0.$

Une racine de $P$ est un nombre $x_0$ tel que $P(x_0)=0$. Par exemple, 1 et 2 sont des racines du polynôme $x^2-3x+2$. Une des raisons historiques essentielles qui a poussé à envisager des nombres « imaginaires » est qu'il existe des polynômes qui n'ont pas de racines réelles. $Q(x)=x^2+1$ est un exemple qui conduit à considérer comme $\sqrt{-1}$, mais c'est la résolution des équations de degré 3 qui joue historiquement un rôle déclencheur dans l'émergence des quantités imaginaires.

Dès 1545, la formules de Cardan et Tartaglia donnent l'expression d'une racine des polynômes de degré 3 de la forme $x^3+px+q$ :

$x_0=^3\sqrt{-\frac{q}{2}+\sqrt{\frac{q^2}{4}+\frac{p^3}{27}}}+~^3\sqrt{-\frac{q}{2}-\sqrt{\frac{q^2}{4}+\frac{p^3}{27}}}.$

Mais si on applique cette formule au polynôme $R(x)=x^3-9x+8$, on trouve.

$x_0= ^3\sqrt{-4+\sqrt{-11}}+^3\sqrt{-4-\sqrt{-11}}.$

Comment interpréter ce nombre ? Est-il une autre manière d'écrire 1, qui est par ailleurs une racine évidente de l'équation $x^3-9x+8=0$ ? Les savants de l'époque prennent rapidement conscience qu'en recombinant les quantités imaginaires, on peut parfois retrouver des quantités réelles. Les nombres imaginaires posent effectivement d'une nouvelle manière le problème de l'unicité de l'écriture des nombres. On peut citer l'égalité facile à constater :

$\sqrt{1+\sqrt{-3}}+\sqrt{1-\sqrt{-3}}=\sqrt{6}$

Dès lors, comment être sûr de l'unicité de l'écriture des nombres ? Dans la preuve qu'il donne du théorème fondamental de l'algèbre en 1746, D'Alembert prouve notamment que tous les nombres imaginaires peuvent s'écrire sous la forme $a+b\sqrt{-1}$. Ce faisant, il apporte un début de compréhension des nombres complexes. Toutefois, il ne lève pour autant tous les paradoxes liés aux quantités imaginaires, notamment celle liée au logarithme des quantités négatives : D'Alembert est en désaccord avec Euler sur la multiplicité des prolongements de cette fonction dans les négatifs. Une part importante de ces interrogations sera levée au début du XIXe siècle, lorsqu'émergera l'interprétation géométrique des nombres imaginaires.

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