Selon le formalisme moderne, $P$ est un polynôme
à une variable $x$, s'il s'écrit
$P(x)=x^n+a_{n-1}x^{n-1}+...+a_1 x+a_0.$
Une racine de $P$ est un nombre $x_0$ tel que $P(x_0)=0$. Par exemple,
1 et 2 sont des racines du polynôme $x^2-3x+2$. Une des
raisons historiques essentielles qui a poussé à
envisager des nombres « imaginaires » est qu'il
existe des polynômes qui n'ont pas de racines
réelles. $Q(x)=x^2+1$ est un exemple qui conduit
à considérer comme $\sqrt{-1}$, mais c'est la
résolution des équations de degré 3
qui joue historiquement un rôle déclencheur dans
l'émergence des quantités imaginaires.
Dès 1545, la formules de Cardan et Tartaglia donnent
l'expression d'une racine des polynômes de degré 3
de la forme $x^3+px+q$ :
$x_0=^3\sqrt{-\frac{q}{2}+\sqrt{\frac{q^2}{4}+\frac{p^3}{27}}}+~^3\sqrt{-\frac{q}{2}-\sqrt{\frac{q^2}{4}+\frac{p^3}{27}}}.$
Mais si on applique cette formule au polynôme
$R(x)=x^3-9x+8$, on trouve.
$x_0= ^3\sqrt{-4+\sqrt{-11}}+^3\sqrt{-4-\sqrt{-11}}.$
Comment interpréter ce nombre ? Est-il une autre
manière d'écrire 1, qui est par ailleurs une
racine évidente de l'équation $x^3-9x+8=0$ ? Les
savants de l'époque prennent rapidement conscience qu'en
recombinant les quantités imaginaires, on peut parfois
retrouver des quantités réelles. Les nombres
imaginaires posent effectivement d'une nouvelle manière le
problème de l'unicité de l'écriture
des nombres. On peut citer l'égalité facile
à constater :
$\sqrt{1+\sqrt{-3}}+\sqrt{1-\sqrt{-3}}=\sqrt{6}$
Dès lors, comment être sûr de
l'unicité de l'écriture des nombres ? Dans la
preuve qu'il donne du théorème fondamental de
l'algèbre en 1746, D'Alembert prouve notamment que tous les
nombres imaginaires peuvent s'écrire sous la forme
$a+b\sqrt{-1}$. Ce faisant, il apporte un début de
compréhension des nombres complexes. Toutefois, il ne
lève pour autant tous les paradoxes liés aux
quantités imaginaires, notamment celle liée au
logarithme des quantités négatives : D'Alembert
est en désaccord avec Euler sur la multiplicité
des prolongements de cette fonction dans les négatifs. Une
part importante de ces interrogations sera levée au
début du XIXe siècle, lorsqu'émergera
l'interprétation géométrique des
nombres imaginaires.