D'Alembert: Mathématiciens des lumières
La science, toujours ...
Dossier coordonné par Pierre Crépel
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Encart 3 : Savants contemporains
Jean Bernoulli (1667-1748)
"On a publié, en 1742, à Lausanne, le recueil de tous les
ouvrages de Bernoulli, en 4 vol. in-4. D'Alembert avoue qu'il leur doit
presqu'entièrement les progrès qu'il a faits dans la
géométrie."
Cette appréciation du biographe Feller n'est pas fausse.
D'Alembert a publié un éloge de Jean Bernoulli dans
lequel il montre comment il situe sa filiation vis-à-vis du
mathématicien bâlois ... qu'il n'a jamais rencontré.
Daniel Bernoulli (1700-1782)
Fils de Jean, détesté par son père qui en
était jaloux, Daniel Bernoulli est autant physicien que
mathématicien. Son Hydrodynamica (1738) a certainement
été le point de départ des travaux de D'Alembert
sur les fluides, mais les deux hommes ne se sont jamais entendus.
D'emblée, Daniel Bernoulli doute de la pertinence des recherches
du savant français et l'animosité réciproque entre
eux ne fait que grandir, notamment à propos du calcul des
probabilités et de l'inoculation dans les années soixante.
Euler (1707-1783)
Le plus grand mathématicien du siècle et le plus
fécond. Jusqu'en 1750, l'un et l'autre s'estiment, se
respectent, s'écrivent, mais, suite à l'attitude assez
indélicate du savant bâlois vis-à-vis de D'Alembert
dans l'affaire du prix de Berlin sur la résistance des fluides,
les relations se tendent puis se cassent. Le passage de
l'encyclopédiste français à Berlin lors de
l'été 1763 les réconcilie partiellement, mais la
rupture est définitivement consommée en 1765, suite
à un différend sur l'optique.
Fontaine (1704-1771)
Euler aurait dit de lui à Lalande: "S'il se fait quelque
découverte à laquelle nous ne nous attendons pas, je
crois que c'est Fontaine qui la fera."
Ce mathématicien "pur" et original, mais qui publie peu ses
résultats, collectionne les incidents notamment avec Clairaut,
avec D'Alembert et même avec Lagrange, pourtant peu querelleur.
Boscovich (1711-1787)
Ce savant jésuite né à Raguse (aujourd'hui
Dubrovnik) vit alternativement en Italie et en France. Sa pensée
créatrice s'étend à de nombreux domaines des
mathématiques et de la physique. Il est en contact avec les
encyclopédistes, mais ses relations se dégradent tant
avec D'Alembert qu'avec le groupe de Frisi, dès les
années soixante.
Clairaut (1713-1765)
Ce géomètre ultra-précoce devient vite l'ennemi
préféré de D'Alembert. Les deux
académiciens se sentent en concurrence sur presque tout: les
principes de la dynamique, la figure de la Terre, la théorie de
la Lune, les comètes, les lunettes achromatiques ... Leurs
rapports deviennent exécrables les dix dernières
années et - comble de malheur, alors que Clairaut n'y est plus
pour rien - au lendemain de la mort de ce dernier, Choiseul
empêche pendant six mois D'Alembert de percevoir la pension
d'académicien laissée vacante.
L'abbé de la Chapelle (~1710 ? - ~1790 ?)
Cet étonnant personnage est surtout connu au milieu du
siècle pour ses travaux sur les gilets de sauvetage, le
scaphandre et les ventriloques. Dans les années quarante, il a
proposé sur l'enseignement, notamment des mathématiques,
des idées intéressantes qui plaisent visiblement à
D'Alembert. Celui-ci le recrute précocement pour rédiger
les articles de mathématiques élémentaires de
l'Encyclopédie; mais on perd assez vite la trace des relations
entre les deux hommes.
De Ratte (1722-1805)
Secrétaire perpétuel de la Société royale
des sciences de Montpellier dès l'âge de vingt ans;
Etienne-Hyacinthe de Ratte est l'un des érudits languedociens
que D'Alembert sollicite pour écrire des articles scientifiques
de l'Encyclopédie. Conseiller à la cour des aides, il
fait partie du réseau de magistrats élclairés sur
lesquels s'appuient Voltaire et D'Alembert.
Bossut (1730-1814)
Disciple de D'Alembert; d'abord professeur à l'Ecole du
génie de Mézières de 1752 à 1768, il
devient ensuite examinateur de sortie, habite alors Paris, est
élu à l'Académie des sciences, où il
soutient les combats de D'Alembert et de Condorcet.
Expérimentateur, enseignant, rédacteur de traités,
il devient dans les années quatre-vingts coordinateur de
l'Encyclopédie méthodique, Mathématiques et
historien de cette discipline.
Bézout (1730-1783)
D'abord disciple de D'Alembert, dont il annote la seconde
édition du Traité de dynamique (1758), infatigable
militant de l'instruction scientifique, tant dans l'artillerie que dans
la marine, Etienne Bézout prend ensuite ses distances d'avec son
ancien maître.
Lalande (1732-1807)
L'un des astronomes les plus entreprenants et les plus prolixes du
Siècle des Lumières. Plus calculateur que
théoricien, il regarde avec une certaine distance les travaux de
mécanique céleste de D'Alembert, lequel le
considère comme un "petit drôle". Dans
l'Encyclopédie méthodique, Mathématiques, au cours
des années quatre-vingts, Lalande reprend presque "à
zéro" tous les articles d'astronomie que D'Alembert avait
publiés dans l'Encyclopédie.
Frisi (1728-1784)
Admirateur de D'Alembert, ami de Beccaria et des frères Verri,
initiateur du périodique des encyclopédistes milanais Il
Caffè, le père barnabite Paolo Frisi entretient avec
l'Europe entière l'une des correspondances les plus
foisonnantes. Son Elogio del signor D'Alembert en italien, écrit
juste après la mort du savant français ... et juste avant
la sienne, reste l'une des meilleures appréciations sur
l'encyclopédiste.
Borda (1733-1799)
Marin et physicien aux idées souvent originales, Borda fait
partie, à l'Académie, du clan opposé à
celui de D'Alembert, Bossut et Condorcet. Les réflexions de
Borda sur l'écoulement et la résistance des fluides sont
à la base des derniers travaux que D'Alembert écrit en
hydrodynamique ... pour le contredire.
Lagrange (1736-1813)
Dès la fin des années cinquante, ce jeune savant turinois
est considéré comme le mathématicien le plus
prometteur de la nouvelle génération. Il devient
rapidement l'ami de D'Alembert, avec lequel il échange une
correspondance d'un quart de siècle. Une grande partie de
l'oeuvre tardive de D'Alembert peut être considérée
comme une sorte de discussion scientifique avec Lagrange.
Condorcet (1743-1794)
Proche de D'Alembert, le jeune Condorcet conçoit cependant, au
début de sa carrière, les mathématiques
plutôt comme Fontaine, c'est-à-dire comme un domaine
autonome de science pure, qu'on doit approfondir en tant que tel, avant
de passer aux applications. En cela, il ne suit guère la
démarche physico-mathématique de D'Alembert. Mais les
choses vont évoluer et, sur le plan des idées tant
philosophiques et politiques que scientifiques, les deux hommes
mènent les mêmes combats, notamment après leur
voyage chez Voltaire en 1770. Condorcet est légataire universel
de D'Alembert.
Laplace (1749-1827)
Venu de Beaumont-en-Auge, en Normandie, tout de suite
présenté à D'Alembert, le jeune et ambitieux
Laplace prend vite son autonomie. Ses oeuvres scientifiques ont souvent
pour point de départ des problèmes et des idées
lancés par D'Alembert, mais Laplace ne le reconnaît pas
toujours immédiatement ...