D'Alembert: Mathématiciens des lumières 

         La science, toujours ...

 Dossier coordonné par Pierre Crépel

Encart 2 : Les trois temps de la vie scientifique de D'Alembert


      Il n'est certes pas forcément légitime de séparer la vie "scientifique" et la vie "littéraire" d'un encyclopédiste. Il est peut-être aussi arbitraire de vouloir opérer des distinctions chronologiques trop nettes dans les activités d'un savant. Cependant, pour D'Alembert, tant sur la forme que sur le contenu, ses travaux peuvent se décomposer assez naturellement en trois phases.

Un parcours "classique": les années quarante


D'Alembert soumet à l'Académie royale des sciences de Paris quelques mémoires en tant que "savant étranger", puis il y est élu à 24 ans en 1741, il continue alors à présenter des mémoires, à rédiger des rapports, comme tous les autres savants de cette compagnie. En 1746, il envoie à l'Académie de Berlin une pièce pour le concours sur la cause des vents et noue alors des relations étroites avec le protecteur de cette institution, Frédéric II, ainsi qu'avec son savant-phare, Euler.
Toute la décennie quarante, D'Alembert adopte le mode usuel de publication des scientifiques de son temps: mémoires édités par les volumes des académies; pièces pour les prix académiques; traités plus substantiels approuvés par ces institutions. C'est de cette époque que datent les écrits les plus célèbres: Traité de dynamique (1743), Traité des fluides (1744), Réflexions sur la cause des vents (1746-47), Recherches sur la précession des équinoxes (1749), mémoires divers sur le calcul intégral et les cordes vibrantes.
Mais dès 1750, à l'occasion du prix sur la résistance des fluides, qu'Euler lui fait refuser par l'académie de Berlin, les relations entre D'Alembert et les académies se dégradent petit à petit, jusqu'à une certaine rupture en 1756. L'auteur publie encore trois traités, largement issus de travaux antérieurs: l'Essai sur la résistance des fluides (1752) et trois volumes des Recherches sur le système du monde (1754-56).

L'Encyclopédie: la décennie cinquante


Dès la fin des années quarante, D'Alembert est investi avec Diderot dans le processus encyclopédique, il rédige le "Discours préliminaire" (t. I, 1751) et assume la fonction de co-directeur pour les mathématiques et la physique générale, jusqu'à la rupture de 1758-59, où il cesse d'écrire des articles non scientifiques et se retire de la direction. Cela fera au total environ 1700 articles, pratiquement tous rédigés entre 1749 et 1760, même si les dix derniers volumes ne paraissent qu'en 1765.
Sur ces 1700 articles, environ 1500 sont de nature scientifique, mais ils ne représentent pas seulement des synthèses comme pour une encyclopédie usuelle, ils font aussi état de recherches nouvelles, de programmes de recherches, notamment sous la forme de "doutes objections".
L'auteur est toujours membre des deux académies de Paris et de Berlin, ainsi que de diverses autres, mais n'y publie presque rien. Du côté des traités, il se contente d'une nouvelle édition (certes assez augmentée) du Traité de dynamique (1758). Cependant, il accumule divers mémoires qui resteront inédits ou seront publiés ultérieurement sous forme remaniée.

Les Opuscules: les décennies soixante à quatre-vingts


Vers 1760, D'Alembert décide d'éditer ses recherches et réflexions (physico-)mathématiques "comme elles lui viennent", sous forme de recueils hétérogènes de mémoires sur divers sujets: mécanique céleste, hydrodynamique, probabilités, optique, mécanique générale, mathématiques pures, etc. Ceci va donner les Opuscules mathématiques, forts de huit volumes imprimés (1761-1780) et d'un volume manuscrit interrompu par la mort de l'auteur en 1783. Au fur et à mesure que le temps s'écoule, la rédaction est de moins en moins soignée, mais ces opuscules regorgent de nouveautés intéressantes et en général non "finies". De façon marginale, il peut aussi donner quelques mémoires à l'académie ou publier divers articles scientifiques dans les journaux.
D'Alembert n'abandonne donc pas les mathématiques, contrairement à ce qui a été dit, dans les années cinquante et suivantes, lorsqu'ils se lance en même temps dans des activités plus littéraires ou polémiques, en liaison avec l'Académie française ou avec Voltaire.


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