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"Au menu: de la géométrie à toutes les sauces" 




Présentation de l'éditeur


Une recension du livre 

Géométrie analytique classique de Jean-Denis Eiden (Editions Calvage & Mounet, 2009)

   

     Bienvenue à la maison Calvage & Mounet. Le chef cuisinier s'appelle Jean-Denis Eiden et sa bonne table est un passage incontournable pour les professeurs de mathématiques ou candidats à l'être. Rien que la lecture de la carte nous met l'eau à la bouche. Des grands classiques (théorème de Pascal, droite de Simson et ses cousines de Steiner et de Newton, théorème de Ptolémée) aux plus intriguants (points de Lucas, Gergonne ou Napoléon, théorème de Carnot, cercle d'Apollonius, involution de Désargues) il y a de quoi satisfaire les géomètres en herbe (au point de se demander si l'on a affaire à un livre d'histoire ou de mathématiques). Si malgré tout on venait à manquer de détermination pour déguster les 500 pages de ce livre, l'avant-propos nous rappelle, oh combien vrai, que "tous ceux qui, stimulés par l'enthousiasme de leurs professeurs et la beauté des figures, ont goûté à cette discipline, savent bien quelle source de plaisir elle peut être (et pas seulement les mathématiciens professionnels qui lui doivent souvent leur vocation)".
    L'outil du calcul en coordonnées barycentriques est introduit dès le premier chapitre, en apéritif, comme fondamental pour des problèmes liés à la géométrie du triangle et pas seulement. La belle symétrie des formules surprend les habitués des coordonnées cartésiennes. La gymnastique mentale demandée n'est pas sans intérêt: elle permet d'éclaircir et d'unifier le langage de la géométrie affine tout en conduisant en douceur le jeune apprenti vers la géométrie projective. Avez-vous déjà déterminé l'équation barycentrique du cercle circonscrit au triangle ABC ?
    Retrouvons-nous au deuxième chapitre pour l'entrée des coniques. Les amateurs de fast-food seront ravis d'apprendre qu'on peut obtenir le centre d'une conique en une ligne de calcul. On y trouve notamment une jolie démonstration du théorème de Pascal et de sa réciproque (l'hexagramme mystique pour les connaisseurs).
    Vient ensuite le troisième chapitre, bon plat de résistance autour des correspondances isotomique et isogonale, pimenté par l'apparition naturelle de l'ellipse de Steiner (et son point de Steiner), des symédianes, du point de Lemoine, etc. Connaisiez-vous un dixième point sur le cercle des neuf points d'Euler ? En voici une pléiade: considérez les centres des hyperboles équilatères circonscrites au triangle ! Ne laissez pas de miettes dans l'assiette pour connaître la vraie nature du mot "équilatère" et resavourer le théorème de Pascal à la cuisson euclidienne. Le bouquet final relie les deux inversions au moyen d'une hyperbole, vous l'avez deviné, équilatère.
    Le quatrième chapitre, sur les familles de coniques, n'a rien de la légéreté d'une salade, sauf si l'on a bien digéré les chapitres précédents. On apprécie alors la généralisation du cercle d'Euler à la conique des neuf points, et celle des inversions quadratiques, l'élucidation du mystère Frégier et plus épicée encore, la démonstration du théorème de Feuerbach: le cercle d'Euler d'un triangle est tangent au cercle inscrit et aux trois cercles exinscrits, avec en prime le fait que les tangentes aux points de contact sont également tangentes à l'ellipse de Steiner. Le gourmand non averti découvrira ici les points cycliques ainsi qu'un avant-goût des courbes elliptiques et de la géométrie algébrique.
    Toute la force du calcul en nombres complexes fait la consistance du chapitre suivant, corsé comme un bon fromage. Une autre tout aussi jolie preuve du théorème de Pascal s'y trouve, ainsi qu'un kit géométrique de survie dans le désert, grâce aux inversions. Pour se délecter encore plus le palais nous recommandons le raffinement de la configuration de Fermat-Toricelli, l'orthologie, les homographies, les quadrangles (équi-)harmoniques.
    Au dessert, un dernier chapitre consacré aux cercles. La cerise sur le gâteau (rond) est sans doute l'alternative de Steiner avec son magnifique collier de perles, qui se referme ou non. Le café est servi en annexe A, avec ses multiples explorations autour des notions rencontrées. Arrosez le tout d'une bonne vieille formalisation (annexe B) et vous aurez conclu en rigueur un repas succulent. L'exercice étant pourtant nécessaire si on veut garder la ligne, cet ouvrage en est bien fourni, avec des solutions détaillées. On ne saurait profiter autant de ce festin sans la richesse de ses figures, sel et poivre qui relèvent toute réjouissance géométrique. Nous partîmes heureux, en emportant un doggy-bag rempli de sujets d'examen. L'addition étant somme toute très raisonnable, il ne nous reste qu'à vous souhaiter "Bon appétit !" (et à lui décerner six toques au guide Michelin).



Gargantua et Pantagruel (Gentiana Danila et David Hermann, Maîtres de conférences à l'Université Paris 7)