Le groupe diédral
d’ordre 4
Les transformations
géométriques qui laissent invariant un
carré forment le groupe diédral
d’ordre 4
Δ
4
= {Id,
R1,
R2,
R3,
S1,
S2,
S3,
S4}
composé :
- de
l’identité,
- de deux rotations de
90° (en sens direct et en sens inverse) R1,
R3,
- d’une
rotation de 180° R2,
- de deux
symétries par rapport aux axes verticaux et horizontaux S1,
S2,
- et de deux
symétries par rapport aux diagonales S3,
S4.
Ce groupe correspond
à des transformations géométriques
simples, facile à se représenter. Il
est donc naturel [comme on va le voir] que les devins en aient
expérimenté l’effet sur la matrice
mère d’un tableau de sikidy. Toutes ces transformations sont des
morphismes pour l'addition du groupe des matrices (ℤ/2ℤ)16.
Symétrie par rapport
à la deuxième diagonale (transposition)
La première
transformation du groupe Δ 4 utilisée par les
devins est la symétrie par rapport à la
deuxième diagonale S4.
Elle n'est
autre que la transposition
de matrice
introduite précédemment S4 (M)
= tM. Elle a la
propriété de conserver quinze figures parmi les seize du tableau
initial.
En effet, la
transposition échange les colonnes secondaires P13,
P14,
P15
avec P9,
P10,
P11,
en laissant P12
inchangée. Seule la colonne P16
est susceptible de faire
apparaître une
nouvelle figure, non présente dans le tableau initial. Il
existe d’ailleurs
certaines conditions
suffisantes, faciles à vérifier, pour que la
transposition de la matrice
mère ne fasse pas
apparaître en P16
de nouvelle figure :
(i)
si la
première ligne est égale à la colonne
de droite,
(ii) ou si
l'élément neutre apparaît en P12.
De plus,
si la matrice mère est symétrique par rapport
à la deuxième diagonale, c'est-à-dire M = tM, alors ces deux conditions
sont simultanément remplies. Ainsi, la transposition de la
matrice mère modifie au plus une figure dans un tableau de sikidy, de telle
sorte que si celui-ci était toka au
départ, il y a de fortes chances pour qu'il le reste
après transposition. Cette opération
apparaît donc comme un moyen d'obtenir, dans de
nombreux cas, un nouveau
toka à partir d'un toka
donné. Le
terme que les devins
antandroy utilisent pour désigner cette opération
est avaliky,
qui
veut dire
« inverser » dans le dialecte du Sud. Ils
réalisent l'opération par des gestes consistant à faire
glisser les graines sur la natte où elles sont
disposées, d'abord celles de la première ligne
qui sont placées en colonne, puis celles de la
deuxième ligne qui sont placées en colonne
à gauche de la précédente, etc. (Voir Vidéo 5)
L'opération
de transposition apparaît d'elle-même quand on
s'intéresse aux tableaux toka. Par exemple,
il existe certaines impossibilités d'obtenir une figure
donnée
toka dans
une position donnée. Ces cas sont regroupés dans
le Tableau 3 (le calcul a été fait par ordinateur).
Positions |
Impossibilités de toka |
P12 |
les huit figures
impaires |
P11
,P15 |
tareky, asombola, alasady |
P9
,P13 |
alakarabo, alokola, alohotsy,
alakaosy |
P10 |
alohotsy |
Tableau 3.
Impossibilités d'obtenir des toka dans certaines
positions (système
antandroy)
Si l'on regarde les
positions obtenues, on constate qu'à une exception
près, elles sont liées entre
elles par l'opération de transposition : P11
et P15
d’un côté, P9
et P13
de
l’autre, et P12
qui
est d’une certaine manière auto
transposée. Les devins, qui connaissent ces
impossibilités, n'ont pas manqué de remarquer
qu'elles se groupent par couples de colonnes
échangeables sous l'effet d'une transposition. En revanche,
la
dernière impossibilité (alohotsy toka en P10)
est
une singularité. La colonne associée par transposition P14
permet
d'obtenir des toka avec la figure alohotsy.
Un autre
cas intéressant faisant intervenir l'opération de
transposition est celui du triple toka.
Jean-François Rabedimy nous a montré un tableau
qui a la propriété remarquable
d’être trois fois toka, en
conjecturant qu'il n'en existe qu'un seul de ce type.
Le calcul par
ordinateur a confirmé son intuition, car la solution est
bien unique, mais à une transposition
près. Il existe en fait deux matrices mère
donnant un tableau trois fois toka, qui sont
transposées l'une de l'autre. On notera d'ailleurs que la
première ligne est égale à
la colonne de droite, et ceci est une condition suffisante pour qu'un
tableau reste
toka
après transposition. Ce tableau est connu des devins.
Tableau 4. L'unique
triple toka
(à une transposition près)
Sous-groupe
des rotations
Outre
la transposition
(symétrie par rapport à la deuxième
diagonale S4),
les autres
transformations du groupe
diédral Δ
4
utilisées
par les devins sont les
trois rotations formant
le sous-groupe {Id,
R1, R2, R3}.
Ces transformations
interviennent dans le pseudo quadruple toka. Il s'agit
d'une
matrice mère qui
donne quatre toka,
non pas au sein des mêmesIKIDYI filles (cela est impossible), mais en
construisant les filles dans les quatre directions possibles. On voit Tableau 5 que les filles du
bas donnent (2, 2, 2, 2) toka
en P12.
Mais si l'on construit les filles vers la droite, on
trouve la même figure toka
dans la même position.
La matrice
étant invariante par R2
(rotation de
180°), la
propriété est conservée pour les filles construites vers le haut et
vers la gauche. La propriété exprime le fait que
les quatre
matrices mère M,
R1(M), R2(M), et R3(M) donnent toutes
la
même figure toka
en même
position.
Si l'on fait le calcul par ordinateur, on trouve trente solutions.
Elles sont toutes
toka en
position P12,
avec soit la figure (2, 1, 1, 2) à l'Est, soit
(2, 2, 2, 2) au Sud. Mais la matrice du Tableau
5 admet de plus certaines symétries : elle est invariante par rapport au sous-groupe
de Δ 4
engendré par les symétries par rapport aux
diagonales {Id,
S3, S4,
R2}.
Si l'on impose de surcroît cette double
symétrie aux matrices vérifiant la
propriété ci-dessus, alors il ne reste
que six
solutions, formées de trois matrices (dont celle du Tableau
5) et de
leurs rotations de 90°. De plus, les matrices étant
symétriques par rapport
à la
deuxième diagonale, c'est nécessairement
l'élément neutre (2, 2, 2, 2) qui
apparaît en P12.
Tableau 5. Pseudo
quadruple toka
(dans les quatre directions)