Mathématiques de la musique d'Afrique centrale

Marc Chemillier             



Encart 1: Equivalence de la structure « en escalier » et de la structure de canon 




On peut montrer que sous certaines conditions  la structure en escalier est logiquement équivalente à la structure de canon.

On représente les formules de harpe comme des mots binifinis sur l'ensemble des couples de cordes noté C, c'est-à-dire des applications de Z dans C. L’ensemble des valeurs de u est la partie C' des couples de C apparaissant dans u.

Définir un canon à distance p revient à imposer une contrainte d'enchaînement sur les couples de notes simultanées situés à distance p. Soit t une fonction de « transposition » définie sur une partie des cordes (les plus aiguës) effectuant un décalage vers le grave d’un nombre n fixé de cordes. Si x est un couple de notes simultanées, on désigne par x1 sa note la plus aiguë et x2 la plus grave. On pose Rt(x, y) si et seulement si y2 = t(x1). Pour construire un canon u avec la transposition t, il faut que les couples apparaissant dans u soient le point de départ et d’arrivée d’une flèche dans le graphe de Rt.

Un mot biinfini u est un canon à distance p si et seulement si u satisfait la relation

Rt(u(i), u(i + p))

pour tout entier i de Z.

On introduit deux applications Hp et T de l’ensemble des mots biinfinis dans lui-même. L’une permet d'extraire un couple sur p et l’autre effectue un décalage :

Hpu(i) = u(pi),        Tu(i) = u(i + 1)

pour tout entier i de Z. On peut composer les opérateurs entre eux en notant de façon abusive  THpu pour T(Hp(u)). On remarque que Hp et T ne commutent pas car THpHpTp. En effet, THpu(i) = T(Hp(u))(i) = Hp(u)(i + 1) = u(pi + p)) = Tp(u)(pi) = Hp(Tp(u))(i) = HpTpu(i).

Dans la définition du canon, soient j et k le quotient et le reste de la division euclidienne de i par p, c’est-à-dire i = pj + k. On a :

Rt(u(i), u(i + p)) = Rt(u(pj + k), u(pj + k + p)) = Rt(u(pj + k), u(p(j + 1) + k)) = Rt(Tku(pj), Tku(p(j + 1))) = Rt(HpTku(j), HpTku(j + 1))

ce qui signifie que dans le mot biinfini HpTku deux éléments consécutifs sont liés par la relation Rt. On en déduit :

Proposition 1. Un mot biinfini u est un canon à distance p si et seulement si tous les sous-mots HpTku  suivent des chemins dans le graphe de la relation Rt pour tout k tel que 0 ≤ k < p.

Remarque. Dans un canon, les chemins du graphe correspondant aux sous-mots HpTku peuvent être différents et ne pas être cycliques (si le canon n’est pas périodique). Mais il peut arriver qu’il s’agisse de cycles identiques (c’est le cas nzakara). On est alors conduit à introduire la notion de structure « en escalier ».

On désigne par σ une permutation circulaire d’une partie C' de l'ensemble des couples de cordes C, c’est-à-dire une permutation de C' n’ayant qu’une seule orbite dont l’ordre est card(C'). Un mot biinfini u à valeur dans C' a une structure en escalier avec un pas de longueur p si et seulement si

σ(u(i)) = u(i + p)

pour tout entier i de Z. Ainsi, le motif  u(0)u(1)...u(p – 1) est le pas élémentaire (c'est-à-dire la « marche » de l'escalier) et il est translaté en σ(u(0))σ(u(1))...σ(u(p – 1)). En introduisant comme précédemment le quotient et le reste de la division euclidienne de i par p, on voit que :

σ(u(jp + k)) = u(pj + k + p),
σ(u(jp + k)) = u(p(j + 1) + k),
σ(HpTku(j)) = HpTku(j + 1)

ce qui signifie que dans le mot biinfini HpTku deux éléments consécutifs sont liés par la permutation σ. On en déduit l’équivalence suivante :

Proposition 2. Pour un mot biinfini u à valeur dans une partie C' de C, les deux propriétés suivantes sont équivalentes :
(i) u est un canon à distance p dont tous les sous-mots HpTku suivent un même cycle dans le graphe de Rt définissant une permutation circulaire σ sur C'.
(ii) u a une structure en escalier avec un pas de longueur p dont la permutation σ sur C' correspond à un cycle dans le graphe de Rt .

Remarque. Dans le cas nzakara, l’ensemble C des cinq couples de cordes {0, 1, 2, 3, 4} ne permet pas d’obtenir des cycles non triviaux dans le graphe de Rt , d’où la nécessité d’ajouter la flèche supplémentaire Rt (4, 0) pour construire des canons.



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