[1] On admet au besoin les écritures polynomiales à plusieurs indéterminées.

[2] La valeur de ce plusieurs est à préciser au cas par cas, notamment parce que les implications de sa définition dépendent de la taille de la « base » du système de numération : « plusieurs » chiffres en base « deux » n’a pas la même signification que plusieurs chiffres en base « soixante » ou en base « million ». L’arbitraire n’est pas total car les sociétés humaines ont utilisé des bases de l’ordre de quelques dizaines au plus. Pour l’application du critère, il ne suffit pas de montrer des grands nombres ‘ronds’ ; dire « 2-animal éléphant » ou « 2-nœud myriades » ne prouve pas l’usage des grands nombres mais seulement la capacité de compter (ici jusqu’à 2 !) du comptable (ici un gros animal ou un gros paquet) ; par contre montrer « 1 myriade 6 mille [pas de centaine] 9 dizaine [pas d’unité] » est considéré comme une preuve suffisante de l’usage des grands nombres, en l’occurrence, d’un grand nombre à 5/4 chiffres significatifs.

[3] Le chiffre ‘zéro’ n’apparaitra à coup sûr que chez les Mayas, à partir du 4ème siècle. Les stèles 18 et 19 de Uaxactun (fig. st. 19 dans le texte) sont les plus anciens (01/02/357 grég.) exemples connus de CL à cinq chiffres significatifs et comportant un zéro attesté ; sur ces deux stèles le zéro est attesté par trois occurrences en position finale : 8.16.0.0.0. (3 Ahau 8 Kankin).

[4] Ces CL commencent par un 7 ou un 8. En grille de lecture maya, c’est le coefficient des baktun (quatre-centaines d’ans) ; dans cette grille, le tun (an) comprend 360 jours (18 vingtaines).

[5] Les chroniques et plus généralement les documents anciens contiennent évidemment beaucoup d’informations chiffrées (âge d’une personne, nombre d’enfants ou de prisonniers d’un roi…) dont quelques-unes sont assez élevées (par ex., le nombre de 20 000 victimes sacrifiées pour la célébration du feu nouveau chez les Aztèques) mais pas de grands nombres répondant à notre critère.

[6] Établie en 1428 entre Tenochtitlán, Texcoco et Tlacopán.

[7] Sepúlveda (sd : 14-16), identifie douze catégories de produits : couvertures, tenues militaires et armes, plumes et oiseaux vivants, peaux d’animaux et coquillages, métaux, pierres précieuses et ambres, résines et copal, encres et colorants, produits manufacturés, produits forestiers, produits agricoles, aliments.

[8] Il y a deux fois plus (respectivement 30 et 15 occurrences dans la Matrícula) de répétitions du tout (avec les nœuds 20 et 400) que de répétitions du seul nœud numérique (plus souvent avec le nœud 20 qu’avec le nœud 400).

[9] CG = 1 + [(19 x 203) + (19 x 202) + (19 x 201) + (19 x 200)] = 160 000.

[10] Les Olmèques furent probablement les inventeurs d’une écriture du nombre qui leur permit de graver des nombres vigésimaux à cinq chiffres significatifs, comme le CL 7.16.6.16.18. de la stèle C de Tres Zapotes (Veracruz, Mexique).

[11] Les Mayas mirent au point une numération de position dont le chiffre zéro est parfaitement attesté dès le 4ème siècle, et un système vigésimal d’unités de temps (système des périodes dont les premières expressions sont du 2ème siècle). On peut donc souligner que, dans leur domaine d’excellence (comptabilité, mesure), les Aztèques n’ont sans doute pas réussi à systématiser les ensembles hétéroclites d’étalons et de mesures. Selon Castillo (1972), les mesures de longueur utilisées par les peuples nahuas reposaient sur les proportions du corps humain. Cet auteur a par exemple relevé et caractérisé les étalons suivants : cenmatl ‘un bras’ (c’est-à-dire l’étendue allant du pied gauche à l’extrémité de la main droite, le bras tendu vers le haut environ à 45° de la verticale, soit deux mètres et quelques décimètres), cemmitl ‘un ongle’, cenyollotli ‘un coeur’, cemacolli ‘un bras’ (qui n’est pas défini comme le premier), cenciacatl ‘une aisselle’, cemmolicpitl ‘un coude’, cemmatzotzopastli ‘un (autre) coude’, cennequetzalli ‘un homme’.

[12] Dans la mesure où les documents présentés par ces auteurs sont de la période coloniale et donc postérieurs à la Conquête et qu’ils furent produits dans un contexte de revendications impliquant de fortes interactions entre un parti indigène et un parti espagnol, on doit relativiser l’enthousiasme des auteurs qui revient à faire de la banale formule du calcul de l’aire d’un rectangle une « arithmétique aztèque… système mathématique sophistiqué à l’instar des Mayas ». De même, ces auteurs créditent les Aztèques de l’invention d’une « numération de position et un symbole spécial pour le zéro ». Un peu de vigilance épistémologique conduit à demander que l’on vérifie sérieusement si l’usage du zéro et les pratiques de calculs de la surface des champs à l’époque coloniale furent produits par la tradition aztèque, empruntés par les scribes ou encore imposés par les Espagnols. Nous penchons pour les deux dernières conjectures car l’émergence du calcul des surfaces en fonction des côtés s’explique plus simplement dans le cadre de l’équation « conquête et colonisation + revendications = acculturation et naissance d’une arithmétique métisse » ou « = acculturation et imposition/emprunt de la science de l’autre ».

[13] Les Mésopotamiens le firent et leur effort aboutit à la numération sexagésimale.

[14] « u-k'ama[l] u-pik ix- uh (u)y al ‘C'est la réception de la jupe de Ix Uh c'est son enfant’ / u- k'a [ma]l u-pik (u-) kisin? Kimil ‘C'est la réception de la jupe de Kisin c'est la mort’ ».

[15] Outre 2 figures mythiques et 2 lignes d’augures, il y a une ligne d’équations Tdi) = αi+1 qui renvoie à une façon traditionnelle voire universelle de se repérer dans le temps par un jeu de repères et de nombres de jours définissant les périodes (parfois symétrisées) de l’avent et de l’après du repère. Cf. un exemple dans Chamoux (2003).

[16] Essentiellement attestée dans les almanachs divinatoires, la numération maya ‘à la romaine’ comporte une règle (juxtaposition à valeur additive) et 3 ‘chiffres’ : a) le point de valeur ‘un’ pouvant être répété jusqu’à quatre occurrences (chez les Aztèques, le point peut être répété jusqu’à 19 occurrences), b) la barre ‘cinq’ répétable jusqu’à 3 occurrences, c) le logogramme KAL, UINAL ou UINIC de valeur ‘vingt’ (attesté sous deux formes, dites du vingt ‘lunaire’ et du vingt ‘primate’) qui n’est pas répété dans les almanachs mais qui peut l’être (apparemment sans limite fixée) notamment pour décrire des quantités d’offrandes. Dans le codex, les durées 28 et 24 sont écrites avec les chiffres ‘vingt lunaire’, ‘cinq’ et ‘un’, par ex.: 28 = VCIII (vingt, cinq, un, un, un).

[17] L’opposition de couleur est ici un trait pertinent : rouge = date, noir = durée. Nous l’interprétons comme marqueur de l’opposition ordinal/cardinal.

[18] 8-baktun 16-katun 0-tun 0-uinal 0-kin 3 Ahau 8 Kankin

[19] Distinguer par une expression ordinale : rang d’un jour dans le mois, n° de dossard d’un coureur …

[20] Définir un évènement par l’expression cardinale de sa durée en nombre de jours ou de toute autre période (mois, treizaine…), définir un objet par sa mesure (cardinal, longueur, poids, valeur…).

[21] Le mot ‘chiffre’ est ici le même abus de langage que dans ‘chiffre romain’, il s’agit d’un signe à valeur numérique convenue (‘point’ = 1, ‘barre’ = 5, ‘drapeau = 20…) et que l’on peut répéter jusqu’à 19 occurrences.

[22] Les données présentées dans le tableau sont de Launey (1985;664-665). On en déduit la possible ancienne motivation du compter sur/avec les doigts/la main déjà notée par Grasserie (1903) qui indique que les numéraux 5 et 10 contiennent la racine ‘main’. Selon Durand-Forest « macuilli ‘5’ vient de maitl ‘main’ et cui ‘prendre’ et signifie ‘prise de main’ ; et matlactli ‘10’ vient de main et de tlactli ‘buste’ partie supérieure des mains ».

[23] Possiblement, selon Launey, des formes réduites de ihuan ‘et, avec ça’ et ipan ‘sur ça’.

[24] Les chiffres points/barres sont attestés dès la 2nde moitié du 1er millénaire av. J.-C.

[25] Respectivement jusqu’à 4 et 3 occurrences, donnant les 4 premiers entiers et les 3 appuis additifs.

[26] Un peu comme les francophones ont oublié que onze, douze… sont d’anciens composés additifs du type 1 + 10, 2+10 dont la motivation était transparente pour les romains parlant latin. Ce qui montre aussi, comme c’est souvent le cas dans les numérations parlées, que les locuteurs firent des sortes d’essais de plusieurs stratégies de composition avant d’en systématiser une (plus optimale pendant un temps) ; une trace fréquente de ce changement de stratégie est le renversement du tactème d’ordre (seize/dix-sept, quince/dieciséis, quinze/dezesseis, twelve/thirtenn…).

[27] Les nœuds principaux d’une numération forment la suite des puissances de la ‘base’. Comme nous avons vu, cet ensemble, chez les Aztèques, est fermé et petit : l’unité 200, le nœud principal 201 et les puissances 202 et 203.

[28] Outre le classificateur, car le nahuatl et les langues mayas sont des langues à classificateur.

[29] Le paradigme théorique des multiplicateurs est (1, 2, 3, etc. 19). Chez les Mayas, tous les multiplicateurs possibles (1, 2, 3, 4, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19) sont effectivement attestés du moins pour les premières puissances (kal, bak et pic) pour un exemple, voir Beltran de Santa Rosa. Quant au paradigme des multiplicateurs aztèques, la situation est assez différente, car on n’a pas de témoignage direct pour tous coefficients multiplicatifs. Les exemples donnés par Launey montrent que les locuteurs privilégiaient l’usage des petits multiplicateurs (1, 2, 3 et 4) et des deux premiers multiplicateurs ‘ronds’. Ces deux coefficients (5, 10) sont avec 15 des sortes de ‘sous-bases’ tant de la numération parlée nahuatl que de la numération mésoaméricaine écrite de style point/barre. En tout cas, on ne dispose pas vraiment d’exemples effectifs où le multiplicateur serait (19, 18, 17, 16, 14, 13, 12, 11, 9, 8, 7, 6). Le coefficient multiplicateur 1 n’est pas sous-entendu.

[30] Qui d’ailleurs correspondent exactement aux trois signes numériques qui forment, avec l’unité un, le « vocabulaire terminal » des signes de la numération écrite aztèque.

[31] Le manque de précision est lié au fait que la stèle est très érodée au niveau des plus hautes puissances.

[32] Le paradigme des multiplicateurs couramment attestés ne contient pas les entiers (6, 7, 8, 9, 11, 12, 13, 14, 16, 17, 18, 19) : « les noms des vingtaines et de leurs puissances sont obligatoirement précédés d’un cardinal de rang inférieur qui leur sert de multiplicateur : on forme ainsi des noms composés dans lesquels les multiplicateurs apparaissent sous une forme légèrement modifiée : 1 (…) 2 (…) 3 (…) 4 (…) et le radical sans suffixe absolu pour 5, 10 et 15 » (Launey;1986:665) dont voici les principaux exemples : nauh-pohualli ‘80’, mátlac-pohualli ‘200’, on-tzontli ‘800’, macuiltzontli ‘2 000’, caxtol-tzontli ‘6 000’, e-xiquipilli ‘24 000’. [33] Cf. Cauty et Hoppan (2002) pour une présentation de la protraction. Le tactème d’ordre (arguments placés dans l’ordre croissant) est le trait pertinent qui différencie les formes protractives et les formes additives attestées pour noter la valeur (29, 30) de la lunaison ou les durées marquant les petits pas plus grands que vingt dans les almanachs.

[34] Parlée = transcription moderne (Hoppan;2010), et Beltrán renvoie à l’orthographe coloniale utilisée dans Arte del idioma maya reducido a sucintas reglas y semilexicon yucateco (Beltrán;1742).

[35] Ce qui n’est pas le cas des numérations parlées des langues européennes notamment de l’espagnol.

[36] « La particule – on - sert à unir les adjectifs numéraux entre eux, tandis que ipan est utilisé pour lier des unités numériques de genres différents » (Durand-Forest;2000:56). « quand il n’y a que deux éléments joints, /om/ est la jonction la plus usuelle ; s’il y en a davantage, on peut faire alterner des nombres précédés de /om-/et des nombres précédés de ipan ou ihuan » (Launey:666). Si nécessaire, on pourrait distinguer les écritures ipan ‘sur ça,’ pour l’addition des opérandes et om/on ‘et, +’ pour celle des constituants de chiffres.

[37] http://www.dma.ens.fr/culturemath/histoire%20des%20maths/htm/cauty_nombres/texte.htm#1

[38] Pour une présentation synthétique : Cauty, A. (1986), ‘Taxinomie, syntaxe et économie des numérations parlées’, Amerindia, n°11, Paris.

[39] Plus prosaïquement, il est conçu par paquets, et paquets de paquets… et ceci selon une progression vigésimale, régulière et systématique, de la taille des paquets.

[40] Le passage du type disposition au type position suppose l’invention du signe zéro pour remplacer en surface le non-marquage des signes qui expriment normalement les puissances successives de la base : c’est le passage d’une écriture de la forme ΣciNi à une écriture de la forme 
ci (qui sous-entend les périodes et n’exprime que les coefficients, y compris le coefficient nul).

[41] http://celia.cnrs.fr/FichExt/Etudes/Maya/FDLCultureMathproPDFversion%20CELIA%20bis.pdf

[42] On a sans doute un témoignage graphique de cette forme parlée en page 28c/57c du dresdensis.

[43] C’est pourquoi elles sont optimales pour l’apprentissage et l’exercice du calcul arithmétique. Des didacticiens et d’autres chercheurs ont montré que les enfants asiatiques sont conduits à « faire moins d’erreurs de comptage, comprendre les concepts de calcul et de nombre à un âge plus précoce, faire moins d’erreurs dans la résolution des problèmes d’arithmétique, et comprendre les concepts arithmétiques de base – tels qu’ils sont par exemple utilisés dans le commerce – bien plus jeunes que leurs homologues américains ou européens » (Geary 1994 : 244) parce que leur numération parlée est systématique et isomorphe à leur numération écrite (type Articulation ou Position). Un indien de l’antiquité mésoaméricaine aurait été dans ces conditions favorables s’il avait utilisé la numération parlée du nahuatl et une numération écrite maya.

[44] ‘braça, palo, arbol’, ‘unité de mesure de longueur’, selon Alonso de Molina, 1571, Vocabulario en lengua mexicana y castellana (Mexico City: Porrua, 1970).

[45] Ces regroupements typographiques visent vraisemblablement à faciliter la lecture/écriture des agrégats de traits supérieurs à la limite de subitisation de l’oeil (4 ou 5). La présence du trait de regroupement n’est pas en soi une innovation, ce qui est nouveau c’est la systématicité de son emploi.

[46] Raoul de la Grasserie signale un certain nombre de classificateurs numériques : tetl pour les objets ronds ; olotl pour le maïs, les troncs, les piliers, tlamantli pour les paires, pantli pour les rangées, les sillons, les murs, les objets ou personnes disposés en rang...

[47] La différence des systèmes en jeu (langue espagnole, langue nahuatl et écriture pictographique) crée, en effet, un différentiel suffisant pour analyser (casser) en trois constituants le noyau lourd de l’énonciation.

[48] « Les Codex Vergara et Santa María Asunción sont deux documents très proches conservés en deux lieux différents : l’un se trouve à Paris tandis que l’autre est à Mexico. Ces deux codex, aujourd’hui séparés, sont sans doute deux parties d’un même document ou pour le moins d’un même dossier juridique. L’un et l’autre, rédigés sur du papier européen, portent la signature du juge Pedro Vásquez de Vergara. C’est sous ce dernier nom que l’on mentionnera dorénavant ces deux codex […] A la différence du Codex Xolotl, il a été possible de dater assez précisément le Vergara et de proposer une fourchette allant de 1539 à 1545 » (Thouvenot;1998).

[49] Selon Thouvenot : tlaca-tla-cuilo-l-li = tlacatl ‘homme’ ; tla- ‘préf. indéf. Inanimé’ ; icuiloa ‘écrire, peindre’ ; -l- ‘suf. Nominalisateur’ ; -li ‘suf. Absolu’= écriture des hommes : informations relatives aux relations généalogiques (id.).

[50] mil-cocol-li = milli ‘champ cultivé’ ; cocolli ‘charge’ ; -li ‘absolu’ = contour des terres (idem).

[51] Unité de longueur, de l’ordre de 2,5 mètre selon Harvey et Williams qui pourrait ( ?) correspondre au cenmatl précolombien (= un brazo = 2, 50 m) de Sepulveda et Herrera.

[52] Selon Williams et Jorge (2008), ces « monades » vérifient les égalités : 10 os = 6 bras = 5 coeur = 4 flèche = 2 quahuitl ; et 5 main = 3 quahuitl.

[53] Que l’on pourrait coder en numération romaine adaptée au caractère vigésimal : GVVVIIII.

[54] tla-huel-man-tli = tla- ‘préf. indéf. Inanimé ; huel ‘bien’ ; mani ‘être, se trouver’ ; -tli ‘suf. Absolu’ = nivelé (Thouvenot, Amerindia 23).

[55] Il existe encore des régions analphabètes où l’on peut observer diverses pratiques paysannes d’estimation des surfaces et des rendements agricoles ; pour un exemple récent ; Knijnik, G., ‘A matematica da cubação da terra’, Etnomatematica, Scientific American Brasil, Edição especial n° 11 ; Rouche, N., et Soto, I., 1994, ‘Résolution de problèmes de proportionnalité par des paysans chiliens’, Repères, n° 14, Metz : Topiques éditions, pp. 5-19.

[56] Si on la restreint strictement aux nombres à 2 chiffres (unités, vingtaines) inscrits dans les couples de registres R1R2 (tlahuelmantli) ou R2’R3’ (Embajada), la numération tardive pourrait être dite, par abus de langage, de type positionnel.

[57] Minima = produit de la plus petite largeur par la plus petite longueur ; maxima = produit de la plus grande largeur par la plus grande longueur. Les méthodes paysannes d’approximation des surfaces ne se limitent à faire le produit de la longueur par la largeur, certaines, par exemple, prennent le produit des moitiés des sommes des côtés deux à deux opposés.

[58] Voir le tableau de leurs résultats de calcul pour 42 champs différents (ibid. p. 1075).

[59] Pour ce calcul on a utilisé l’égalité : 5 main = 3 quahuitl.

[60] Nicolas Chuquet, l’inventeur en 1484 de la terminologie des termes en –illion de l’échelle longue (billion = 1012, trillion = 1018, etc.) ne s’y est pas trompé : « et l’on doit savoir que ung million vault mille milliers de unitez, ung byllion vault mille milliers de million […] et ainsi des autres se plus oultre on voulait proceder ». La durée maya de la stèle 1 de Cobá est un nombre à plus de 20 chiffres.

[61] Par définition, le chiffre zéro commute en toutes positions avec tous les chiffres de la numération. Le registre Z3 devrait pouvoir contenir n’importe quel chiffre non nul et coefficient du nœud 400 (dans le système de Texcoco, ce chiffre non nul se trouve dans R3 avec le chiffre coefficient de 20).

[62] En général, verticale ou horizontale. Pour diverses motifs esthétiques ou calligraphiques, et à condition qu’il soit un familier de cette opération de mise en file et d’alignement des cartouches, le scribe peut évidemment placer la file de cartouches de manière à lui faire prendre la forme d’un dessin particulier ; les mayas par exemple ont laissé des textes dont la chaîne de glyphes imite le parcours entrelacé d’une vannerie (Cf. stèle J de Copán).

[63] Les crochets [] pour transcrire le fait que les chiffres 1.11. se trouvent dans un seul registre, R3.

[64] D’autant que le nombre et la place des registres varient d’un document à l’autre : le tlahuelmantli des Papeles de la Embaja contient les registres que nous avons notés R2’ et R3’.

[65] Le choix sémiotique d’un système additif est fréquent quand il s’agit de noter des petits entiers. Ce qui est le cas du milcocolli : selon la liste des longueurs relevées par Harvey et Williams, le plus petit côté est 7 et le plus grand côté est 39. C’est aussi le cas des chapitres d’un livre, souvent en chiffres romains, ou des petites translations que l’on observe dans les almanachs et que les scribes mayas notaient en numération additive (chiffres 1, 5 et 20).

[66] Trouver un espace blanc dans le cartouche rectangulaire (substitut du champ) pour placer les chiffres du nombre donnant la surface du champ et les signes donnant les informations utiles au calcul de l’impôt.

[67] Une expérience des années quatre-vingt montre bien l’intérêt de savoir compter et se servir de la balance : « il a essayé de nous voler comme l’an dernier, mais cette année je sais compter et me servir de la balance » (Queixalos;1986).

[68] Certains clercs pensaient que le zéro est une invention diabolique, et que la numération en « algorismes » avait le mauvais goût des choses apportées par les étrangers de religion musulmane récemment boutés hors d’Espagne… A fortiori, l’Europe ne connaissait pas encore la numération décimale (celle des nombres à virgule) inventée par le flamand Simon Stevin et présentée dans un petit ouvrage intitulé De Thiende (La dîme) et publié en 1586 en hollandais. La notation décimale de Stevin trouva un écho favorable dans l'Europe savante, mais elle entra tardivement dans le quotidien.

[69] Une charrée était la surface pour obtenir un char de foin ; une charrue, un journal ou une ouvrée = la surface labourable en un jour par un homme (le journalier…), une fourrée = la surface pour obtenir un foural de blé (20 à 30 litres) ; une perche royale = 22 pieds carrés…

[70] Ce sont les bourgeois de la Révolution française de 1789 qui s’attaqueront le plus radicalement et avec le plus de succès à cette multiplicité et lutterons pour imposer le système métrique… provoquant parfois des émeutes parce que les paysans, les artisans, les petits commerçants… bref la population refusait d’abandonner un système, certes hétéroclite au niveau national, familier, significatif et parfaitement adapté aux caractéristiques locales, et de se voir imposer un système parfaitement abstrait qui ne parle ni à l’imagination ni à la tradition.

[71] L’aune (mesure de longueur des tissus) par exemple est définie comme 3 pieds 6 pouces à Nice et à Caen, comme 2 ½ pieds à Metz, comme 3 pieds 7 pouces 8 lignes par décret de 1540, et sa valeur traduite en mètre variait de 0,67 m (Metz) à 2,44 m (dans le Beaunois), jusqu’à être fixée à 1,20 m sur tout le territoire français (décret du 12/02/1812).

[72] L’émergence d’une numération de type Position est un événement rare : à notre connaissance et selon les données actuellement disponibles, ce petit miracle s’est produit seulement quatre fois dans l’histoire des civilisations écrites : en Mésopotamie, en Chine, en Inde et en Mésoamérique.

[73] Lesbre (2008). L’art de peindre les codex fut rapidement métissé de techniques européennes.

[74] Le style « point/drapeau » aztèque et le style « point/trait » mésoaméricain ou maya devient le style « trait/rond » du système de Texcoco. Cela n’empêche pas les ethnomathématiciens de (se) demander « who can say the price in blood… » de tels emprunts ou de telles impositions.