Dossier de Bernard Vitrac sur les géomètres de la Grèce antique - Chapitre 7 : Archimède


 Encart 2 : Exemple de preuve par exhaustion (Archimède, Mesure du cercle)

Pour voir comment la méthode fonctionne nous nous inspirerons librement de la première Proposition de la Mesure du cercle  d'Archimède.

On a un cercle de centre K, de rayon AK.

Le triangle rectangle EFG est tel que : EF = AK et la droite EG est égale à la circonférence du cercle.

Nous voulons montrer que le cercle est égal à EFG.


Nous supposons d'abord qu'il est plus grand que EFG. Appelons D la différence d'aire entre le cercle et EFG.

On inscrit un carré dans le cercle, soit ABCD. La différence entre le cercle et le carré est constituée de quatre segment égaux, tel AHB. On coupe l'arc AB en deux parties égales au point H et l'on joint AH, HB. En faisant de même dans les autres segments, on a donc inscrit un octogone dans le cercle. Comme le triangle AHB est plus grand que la moitié du segment de cercle AHB, on en déduit que la différence entre le cercle et l'octogone, composée de huit petits segments, est plus petite que la moitié de la différence qu'il y avait entre le cercle et le carré. D'après le principe de continuité (Euclide, X. 1), si l'on répète la même opération de dichotomie des arcs, nous construirons un polygone régulier P, inscrit dans le cercle, tel que la différence d'aire entre le cercle et lui soit aussi petite que l'on veut. Supposons que nous la rendions plus petite que la différence D. Nous avons donc : cercle — EFG > cercle — P. Donc l'aire du polygone P s'intercale entre celle du triangle EFG et celle du cercle : EFG  < P < cercle.

Pour simplifier l'exposé supposons que ce soit notre octogone qui vérifie cette inégalité (le raisonnement serait le même sinon). Cet octogone se décompose en (huit) triangles isocèles égaux, de même hauteur et dont les bases, additionnées, constituent le périmètre de l'octogone. L'aire de notre octogone est donc égale à un triangle rectangle dont l'un des côtés de l'angle droit est égal à la hauteur KL et l'autre est égal au périmètre de l'octogone.

Mais la hauteur KL est plus petite que le rayon AK et le périmètre de l'octogone (ou de tout autre polygone inscrit) est plus petit que la circonférence du cercle. Donc le triangle rectangle égal à notre octogone est plus petit que EFG puisque chacun des côtés de l'angle droit de l'un est plus petit que le côté de l'autre qui lui correspond. Donc l'octogone est plus petit que EFG. Mais, par construction, il était plus grand. C'est impossible.

On peut raisonner de la même manière si l'on suppose que le cercle est plus petit que EFG. On introduira des polygones réguliers cette fois circonscrits, avec un nombre de côtés suffisant pour obtenir un polygone P' vérifiant la double inégalité : cercle < P' < EFG. On montrera qu'on a aussi P' > EFG ce qui est impossible.

Donc le cercle est bien égal au triangle EFG ainsi défini.

Un moderne raisonnerait sans doute autrement ; la formule S = (1/2).(P x h) vaut pour n'importe quel polygone inscrit dans un cercle, S désignant sa surface, P son périmètre et h sa hauteur. Si l'on augmente indéfiniment le nombre de côtés, le polygone se rapproche du cercle et, à la limite, son périmètre coïncidera avec la circonférence du cercle, sa hauteur sera égale au rayon du cercle. D'où le résultat.

La méthode d'Eudoxe-Archimède ne recourt pas à ces passages à la limite. On n'"exhausse" pas le cercle avec des polygones. On utilise le principe de continuité pour construire un polygone intermédiaire qui fournit la contradiction avec l'une des sous-hypothèses que l'on veut écarter. Le nom est donc mal choisi, mais il traduit le rapprochement que les mathématiciens du XVIIe siècle firent entre la procédure des Anciens et leurs propres investigations infinitésimales.

 

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