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Professeur de l'Université Lyon I - Directeur de l'Institut Henri Poincaré - e-mail
Présentation de l'éditeur
Une raison pour laquelle la mathématique jouit d’une estime particulière, au-delà de toutes les autres sciences, est que ses lois sont absolument certaines et incontestables, quand celles des autres sciences sont dans une certaine mesure discutables et en danger permanent d’être renversées par des faits nouvellement découverts. » C’est ainsi qu’Albert Einstein – bon mathématicien, n’en déplaise à la légende – analysait le statut particulier des mathématiques, gouvernées par la logique immuable, et non par l’expérience.
En France, ce statut particulier est peut-être encore plus sensible qu’ailleurs. Les Français se targuent d’être logiques, et ont même inventé le mot « cartésien » en référence à un de leurs célèbres mathématiciens. Ils n’ont pas peur de l’abstraction inhérente aux mathématiques. De fait, la France est une terre de mathématiques depuis des siècles : le génial amateur Fermat y a ressuscité la théorie des nombres héritée de Diophante et a fondé, avec Descartes et Pascal, la théorie des probabilités ; Galois a révolutionné l’algèbre, Lagrange et Laplace ont développé la mécanique moderne, Fourier a fondé l’analyse harmonique en même temps que la physique mathématique, Monge a inventé la géométrie descriptive, Cauchy a fait progresser l’analyse, Poincaré a fondé la théorie du chaos et la topologie, Bourbaki a repensé les fondements mêmes des mathématiques...
Aujourd’hui encore, la France est l’un des endroits où s’écrit la science mathématique de demain. Dans les probabilités, la théorie des nombres, les équations aux dérivées partielles et bien d’autres branches des mathématiques, la France a conservé sa tradition d’excellence. En collaboration, bien sûr, avec des chercheurs et des institutions du monde entier – car aujourd’hui plus que jamais, la mathématique n’a pas de frontières et la recherche internationale se nourrit des sensibilités et des compétences des chercheurs et des institutions de toutes les nations.
Au fait, « la mathématique » ou « les mathématiques » ? L’un ou l’autre se dit ou se disent, comme aurait pu s’exclamer Vaugelas. Le singulier insiste sur l’unité fondamentale des mathématiques, le pluriel sur la diversité des thématiques et des langages des mathématiciens. En effet, algèbre, géométrie, analyse, probabilités, logique, théorie des nombres... sont comme autant de langues que parlent les mathématiciens. Certains en approfondissent une seule, d’autres en maîtrisent plusieurs. Les problèmes et idées mathématiques passent d’une branche à l’autre, changent de pays et d’esprit.
Le problème du transport optimal, sur lequel j’ai dépensé tant d’énergie, est un cas d’école. Il fut formulé par Monge, vers 1780, comme un problème d’ingénieur : une distribution de masse devant être réorganisée selon une configuration donnée, comment organiser son transport au moindre coût ? Monge découvrit une remarquable structure géométrique sous-jacente à ce problème parfaitement pratique. Plus de 150 ans plus tard, le mathématicien soviétique Kantorovich (plus tard prix Nobel d’économie) reformulait le problème de Monge dans un contexte algorithmique et économique. Le formalisme de Monge plut aux probabilistes, qui l’intégrèrent dans leur boîte à outils. Et puis dans les années 1980, Yann Brenier (spécialiste français de mécanique des fluides), John Mather (spécialiste américain de systèmes dynamiques) et Mike Cullen (météorologiste anglais) découvrirent, indépendamment et presque simultanément, les connexions insoupçonnées du problème de Monge-Kantorovich avec des thématiques issues de la physique. C’était le coup d’envoi d’une expansion spectaculaire de la théorie ; les pionniers de ce développement étaient français, anglais, allemands, canadiens, américains, italiens, argentins, béninois... C’est vers 1997 que j’ai moimême sauté dans le train en marche, approfondissant la théorie avec l’aide de quelques collaborateurs, et découvrant avec émerveillement des liens invisibles entre le transport au moindre coût, la physique statistique et la courbure dite « de Ricci », qui joue un rôle central en relativité générale. C’est pour moi un bel exemple illustrant le cheminement imprévisible et passionnant des idées mathématiques, l’absence de barrière entre mathématiques pures et appliquées, et l’unité d’un grand principe fondu dans la diversité de ses applications et ramifications.
Mais le vrai sujet de cet ouvrage n’est pas la mathématique, ce sont les mathématiciens. Certes, par définition, un mathématicien est quelqu’un qui applique, enseigne ou crée des mathématiques. Mais il est intéressant de s’attarder sur les mathématiciens, êtres humains. Autant artistes que scientifiques, les mathématiciens sont en proie à leurs passions, leurs interrogations, leurs doutes, leurs tourments, leurs angoisses, et la hantise de la beauté. « Nul ne peut être mathématicien s’il n’a une âme de poète », disait Sophie Kowalevskaia. Les mathématiciens doivent faire preuve de rigueur et de ténacité, mais surtout d’inventivité. Maudissant chaque jour leur impuissance à faire reculer les frontières du savoir, ils s’émerveillent pourtant, regardant derrière eux, de l’ampleur du chemin parcouru. Ils travaillent souvent seuls, mais ne cessent d’échanger leurs idées, dans un ballet incessant de colloques et de rencontres.
Mathématicien, un beau métier?
En 2009, le très sérieux Wall Street Journal se mettait en tête d’établir un classement de tous les métiers du monde, fondé sur de nombreux critères. Et ce ne fut ni princesse, ni PDG, ni avocat qui arriva en tête de la course, mais bien mathématicien !
Cela dit, quelle idée saugrenue de classer tous les métiers. Je préfère croire en la vertu des exemples inspirants. La vie des grands mathématiciens a servi d’inspiration à des générations de mathématiciens en herbe, à commencer par les lecteurs de l’ouvrage célèbre et quelque peu romancé du mathématicien Eric Temple Bell, Men of mathematics.
Moi-même, enfant, je rêvais en découvrant, dans un livre pour enfants richement illustré, la vie de Gauss, « prince des mathématiciens ». Je n’imaginais pas qu’un jour je serais moi aussi un mathématicien professionnel, que la loi de Gauss et la courbure de Gauss feraient partie de mon quotidien, et que je mettrais même au jour des liens indirects entre ces deux notions !
Peut-être, certains lecteurs connaîtront la même expérience avec l’un ou l’autre des héros de ce livre. Et l’immense majorité de ceux qui ne deviendront pas mathématiciens seront séduits à l’évocation de cette aventure humaine passionnée.
Références
Bell, Eric Temple, Men of mathematics, 1ère édition 1937, New York : Simon & Schuster, 1965, 590 p.
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