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- Thèmes > Histoire des mathématiques > Histoire : Mésopotamie
Sommaire
Chronologie
Carte
Présentation générale
Bibliographie
Ressources en ligne
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Chronologie
IIIe millénaire avant notre ère et périodes antérieures
Années |
Périodes |
Cadre social et culturel |
Documentation |
6000-3700 |
Obeid |
Sédentarisation, irrigation, premiers villages (Jéricho, Catal Hüyük). |
|
3700-2900 |
Uruk ancien, moyen et récent |
Naissance de l’écriture. Premières villes (Uruk et Suse). Invention du bronze et de la roue. |
Comptabilités : Uruk, Kish, Jemdet-Nasr, Suse |
2800-2350 |
Dynasties Archaïques |
Civilisation sumérienne. |
Comptabilités, listes lexicales, textes littéraires, textes scolaires (tables de surfaces). |
2350-2150 |
Dynastie d’Akkad |
Premier Etat unifié. |
idem + |
2100-2000 |
Dynastie |
Développement des écoles de scribes. |
idem + |
IIe millénaire avant notre ère (chronologie moyenne)
Années |
Périodes |
Cadre social et culturel |
Documentation |
2000-1600 |
Paléo-babylonienne |
L’akkadien devient la langue parlée dans toute la Mésopotamie. A partir de 1750 dans le sud : destruction des villes, disparition des sources cunéiformes. |
Textes scolaires : tables métrologiques et numériques, exercices de calcul, listes de parties du corps, d’animaux, de plantes, d’étoiles, etc. |
1600-1150 |
Cassite |
|
Compilation de Enuma Anu Enlil (le plus important traité d’astrologie). |
1150-900 |
Seconde dynastie d’Isin |
|
Canonisation de Enuma Anu Enlil.
|
Ier millénaire avant notre ère
Années |
Périodes |
Cadre social et culturel |
Documentation |
900-550 |
Néo-babylonienne ; Néo-assyrienne |
Bibliothèques
|
Compendium « MUL.APIN » (=Constellation de la charrue; le plus important traité d’observations astronomiques). |
550-300 300-100 |
Achéménide Séleucide |
Bibliothèques |
Astronomie : éphémérides, almanachs, horoscopes, apparition des 12 signes du zodiaque. |
Cartes
Crédit: Alain Huot (site Histoire)
Mésopotamie à l'époque paléo-babylonienne (2000-1700 av. n. e.) - Ecoles de scribes (cercles rouges)
[Fond de carte Martin Sauvage, EPHE, publié dans F. Joannès (dir.), Dictionnaire de la civilisation mésopotamienne]
Présentation générale
La découverte des mathématiques cunéiformes
A la fin du XIXe siècle, la mission archéologique de l’Université de Philadelphie, dont le directeur scientifique était H. Hilprecht, découvrait dans le site de Nippur (Mésopotamie centrale) une extraordinaire profusion de tablettes scolaires, dont plusieurs centaines étaient des exercices de mathématiques. La publication en 1906 de Mathematical, Metrological and Chronological Tablets from the Temple Library of Nippur par H. Hilprecht fait découvrir au monde des chercheurs et au grand public l’existence d’activités mathématiques en Mésopotamie, précédant de plus de mille ans celles de Grecs. A partir des années 1920, les musées européens et américains allaient acquérir, principalement par achat sur le marché des antiquités, plus d’une centaine de textes mathématiques de provenance inconnue. F. Thureau-Dangin, O. Neugebauer et A. Sachs, ont alors réalisé une tâche considérable : déchiffrer, traduire et interpréter ces textes qui témoignaient du très haut niveau d’érudition des scribes mésopotamiens. De nombreux articles sont publiés dans les années qui suivent, et cette somme de travail est rassemblée dans les ouvrages qui constituent encore aujourd’hui un ensemble de références essentiel pour les spécialistes des mathématiques cunéiformes : les trois volumes de Mathematische Keilschrifttexte d’O. Neugebauer, publié en 1935-37, Textes mathématiques babyloniens de F. Thureau-Dangin, publié en 1938, et Mathematical Cuneiform Texts d’O. Neugebauer et A. Sachs publié en 1945. Les historiens ont alors pris conscience de l’importance et de l’originalité de la contribution de l’Orient cunéiforme à l’histoire des mathématiques. Dans la deuxième moitié du XXe siècle, ce corpus s’est enrichi de collections exhumées dans le cadre de fouilles légales, notamment en Mésopotamie du nord (Tell Harmal, Tell Haddad, Ešnunna) et en Elam (Suse). Par ailleurs, depuis la fin du XIXe siècle jusqu’à aujourd’hui, les archéologues n’ont cessé de mettre à jour des tablettes scolaires mathématiques dans la plupart des grands centres de Mésopotamie et d’Elam (Ur, Uruk, Larsa, Kiš, Nippur, Sippar, Tell Haddad, Šaduppum, Ešnunna, Mari, Suse) et jusqu’à l’Anatolie – voir l’article Calculer chez les marchands Assyriens au début du II e millénaire av. J.-C.. Cette documentation n’avait que peu intéressé, dans un premier temps, les assyriologues et les historiens des sciences, et ces « brouillons » d’écoliers, souvent de piteuse apparence, se sont accumulés dans les réserves des musées ; ce n’est que récemment qu’ils ont commencé à être publiés de façon systématique.
Une répartition contrastée des sources
Les textes mathématiques parvenus jusqu’à nous, qu’ils soient des exercices scolaires ou des œuvres d’érudits, ont dans leur très grande majorité été écrits dans le contexte des écoles de scribes à l’époque paléo-babylonienne (début du deuxième millénaire avant notre ère) – voir chronologie, et sont attestés sur une vaste aire géographique (Mésopotamie depuis Ur au sud jusqu’à Mari au nord et Elam). Les textes d’époque plus tardive (néo-babylonienne, achéménide et séleucide), beaucoup moins nombreux que ceux d’époque paléo-babylonienne, proviennent essentiellement des bibliothèques du sud. Ils témoignent d’une part de la transmission de l’héritage mathématique ancien, d’autre part d’un renouveau illustré par le développement du calcul numérique. Ces ruptures dans la documentation ne sont pas propres aux mathématiques. On constate des contrastes importants dans d’autres domaines des savoirs mésopotamiens, par exemple l’astronomie et la médecine. L’astronomie est née au premier millénaire et elle est documentée principalement dans les bibliothèques d’Uruk et Babylone aux époques achéménide et séleucide. La médecine est documentée principalement dans les sources hittites du deuxième millénaire et dans les bibliothèques néo-assyriennes.
La notation positionnelle
Une des particularités les plus remarquables des mathématiques cunéiformes, des époques anciennes aussi bien que des époques récentes, est l’utilisation d’une numération sexagésimale positionnelle, attestée depuis la fin du troisième millénaire jusqu’au début de notre ère – voir encart. Le texte le plus ancien connu attestant de l’usage de la notation positionnelle date de la période d’Ur III (YBC 1793). Certains auteurs pensent que cette invention pourrait remonter à l’époque de l’empire d’Akkad, mais cette hypothèse est contestée, notamment par J. Friberg – voir On the Alleged Counting with Sexagesimal Place Value Numbers in Mathematical Cuneiform Texts from the Third Millennium BC.
Les textes scolaires
Les textes scolaires nous apportent des témoignages sur le contenu et l’organisation de l’enseignement des mathématiques. On peut ainsi reconstituer le cursus de formation mathématiques des scribes avec une grande précision pour certaines écoles (par exemple, les écoles de Nippur de l’époque paléo-babylonienne) : les apprentis scribes apprenaient d’immenses listes de mesures de capacité, poids, surface et longueur, toujours dans le même ordre et des listes de conversions, puis des tables numériques (inverses, multiplications, carrés, racines carrées, racines cubiques) ; ensuite, ils étaient entraînés à effectuer des opérations sur les nombres positionnels (inversion et multiplication) et au calcul des surfaces et des volumes. Les textes scolaires nous fournissent aussi de précieuses indications sur les méthodes de calcul enseignées aux apprentis scribes, et ainsi éclairent indirectement les concepts élaborés par les scribes érudits. Les textes d’apprentissage montrent notamment comment les scribes utilisaient plusieurs systèmes numériques différents, les uns pour exprimer des grandeurs (longueurs, surfaces, volumes), les autres pour effectuer des calculs élaborés (multiplications, inversions, puissances, racines carrées et cubiques) – voir l’article Le calcul sexagésimal en Mésopotamie: enseignement dans les écoles de scribes.
Les textes savants
Les textes mathématiques savants sont divers dans leur style et leur contenu : dans quelques cas, ce sont des textes purement numériques dépourvus de toute explication ; dans d’autres cas, ce sont des « séries de problèmes », contenant de longues énumérations d’énoncés ; et enfin, dans leur immense majorité, ce sont des listes de problèmes résolus. Les textes sont écrits en sumérien (langue d’érudition ayant disparu comme langue vivante probablement au début du deuxième millénaire) ou en akkadien (langue vivante de l’époque paléo-babylonienne). On trouve souvent dans le même texte un mélange d’écriture idéographique sumérienne et d’écriture phonétique akkadienne, dans une proportion variable selon le genre et le lieu : la majorité des textes de problème sont rédigés en akkadien, avec un usage plus ou moins abondant d’idéogrammes sumériens pour désigner des objets mathématiques (longueur, surface, multiplication arithmétique…). Certains textes du sud sont rédigés complètement en sumérien ; certains textes du nord sont rédigés complètement en akkadien.
Textes de calcul numérique
Les textes de calcul numérique sont constitués principalement de tables (notamment des tables d’inverses), de listes de puissances et de séries d’algorithmes. Tous portent exclusivement sur des nombres sexagésimaux positionnels, et sont fondés sur les propriétés de la base soixante. Une des méthodes de calcul les plus fondamentales est un algorithme de factorisation : il consiste à décomposer les nombres en produits de facteurs appartenant aux tables standard, permettant ainsi d’effectuer des extractions d’inverses et de racines carrées ou cubiques. On peut ainsi citer une tablette (CBS 1215), provenant probablement du sud de la Mésopotamie, qui contient une série de 21 termes réguliers (voir encart) d’une progression géométrique auxquels est appliqué cet algorithme pour calculer les inverses. Un des plus fameux exemples de texte numérique est une tablette d’époque paléo-babylonienne provenant probablement de Larsa (Plimpton 322), qui contient une liste de 15 triplets pythagoriciens tous indépendants les uns des autres, les nombres comportant jusqu’à 8 positions sexagésimales – voir article de E. Robson Words and Pictures: New Light on Plimpton 322. Les textes d’époque séleucide consistent principalement en de grandes listes d’inverses, ces tables répondant probablement aux besoins induits par le développement de l’astronomie mathématique. Par exemple, une tablette d’époque séleucide, provenant d’Uruk et exposée au Musée du Louvre (AO 6456), contient presque tous les nombres inversibles en base 60 commençant par 1 ou 2 et comportant jusqu’à 6 positions sexagésimales.
Séries de problèmes
Les « séries de problèmes » sont des sortes de compendia écrits en dans un style extraordinairement concis au moyen d’idéogrammes sumériens, sous la forme de listes dont la structure arborescente témoigne d’une grande maîtrise des méthodes combinatoires. On connaît une vingtaine de textes de ce type. Par exemple, une tablette (A 24194, d’origine inconnue, conservée à Chicago) contient 247 énoncés complexes condensés sur une tablette carrée de moins de 10 cm de côté. Le texte de ces séries parcourt plusieurs tablettes numérotées, et peut ainsi contenir des milliers d’items.
Problèmes résolus
Les listes de problèmes résolus constituent le cœur des mathématiques cunéiformes. Le plus emblématique des textes de ce genre est probablement la liste de problèmes qui se trouve sur une des plus anciennes tablettes mathématiques d’époque paléo-babylonienne connues (BM 13901, conservée au British Museum). Cette liste constitue un véritable manuel de résolution des problèmes du second degré, illustré en 24 exemples. Bien qu’elles prennent la forme de listes d’instructions appliquées à des nombres particuliers, les procédures de résolution développées dans cette tablette et dans bien d’autres du même type n’en sont pas pour autant des recettes découvertes par hasard ou par tâtonnement. Il est maintenant largement admis, à la suite des travaux de J. Høyrup, que la résolution des problèmes du second degré en Mésopotamie et en Elam est guidée par un raisonnement géométrique qui s’apparente à la méthode de complétion du carré, celle-là même qui sera développée plus tard dans les textes mathématiques en langue grecque, puis arabe (voir la note de lecture de l’ouvrage de Jens Høyrup, Lenghts, Widths, Surfaces. A portrait of Old Babylonian algebra and its kin (2002), parue sur le site EducMath).
Géométrie
Outre les problèmes du second degré, qui en sont le noyau dur, on trouve dans les mathématiques cunéiformes des problèmes linéaires à plusieurs inconnues, des problèmes du troisième degré résolus par factorisation, des problèmes de degré 4 ou 8, se ramenant à des problèmes du second degré, des problèmes concernant la somme des termes d’une suite arithmétique ou géométrique, des calculs de volumes complexes. Même si quelques textes témoignent d’une connaissance des propriétés dites de Thalès et de Pythagore, la géométrie n’est le plus souvent qu’un prétexte à des développements arithmétiques, portant par exemple sur des triplets pythagoriciens (entiers a, b, c tels que a²+b²=c²) ou babyloniens (entiers a, b, c tels que a²-b²=b²-c²) ; c’est le cas des problèmes de partage d’une figure (trapèze ou triangle) en bandes d’aires égales. Une autre illustration de cette approche numérique de la géométrie se trouve dans la tablette YBC 7289, qui représente un carré et ses diagonales, et donne la valeur approchée de la racine carrée de deux par un nombre à 4 positions sexagésimales, soit une approximation à 10-6 près.
Une pensée spéculative
Les problèmes sont souvent (mais pas toujours!) présentés avec un habillage réaliste faisant référence aux activités sociales de l’époque. Les thèmes de prédilection sont l’arpentage, les constructions en briques, les travaux de terrassement, le creusement des canaux, la répartition du travail et des salaires entre travailleurs, les taux d’intérêt et les problèmes d’héritage. Ces thèmes peuvent faire penser que les mathématiques avaient une certaine utilité pour résoudre des problèmes pratiques rencontrés dans l’administration, l’arpentage, le commerce ou l’ingénierie des grands travaux. Mais à y regarder de plus près, on peut éprouver quelques doutes sur ce point. En effet, les énoncés d’apparence concrète sont souvent posés d’une façon qui ne trompe guère sur leur réalisme, comme le montre le cas bien connu du problème du «roseau cassé»:
J’ai pris un roseau: je n’en connais pas la dimension. J’en ai retranché une coudée, puis je suis allé soixante fois par la longueur (du champ rectangulaire). Ce que j’en avais retranché, je lui ai restitué, puis suis allé 30 fois par la largeur. La surface est 6.15. Quelle est la longueur originaire du roseau? [Str. 368, publiée par F. Thureau-Dangin en 1938 dans Textes mathématiques babyloniens, p. 91].
Nous voyons un arpenteur qui, désireux de connaître la longueur d’un roseau, commence par le casser, puis mesure la longueur d’un terrain avec une partie du roseau, la largeur avec le roseau recollé, et enfin considère la surface obtenue: son sens pratique n’est pas évident!
Conclusion
Pour terminer cette brève présentation, insistons sur quelques aspects essentiels et souvent méconnus des mathématiques cunéiformes. La plus grande part de la documentation connue à ce jour a été produite dans les trois premiers siècles du deuxième millénaire, soit un intervalle de temps relativement court rapporté à la très longue histoire de la Mésopotamie, dont la production écrite savante couvre plus de trois millénaires. Ces écrits mathématiques proviennent d’une aire très vaste, comprenant toute la Mésopotamie et l’ouest de l’Elam ; ils ont été élaborés dans le contexte des écoles de scribes. Ce n’est que plus de mille ans plus tard qu’une renaissance des mathématiques nous a fourni un autre petit corpus de textes, écrits principalement à la fin du premier millénaire dans le cadre très localisé des bibliothèques du sud. Il est difficile de savoir quels étaient les buts des auteurs des textes mathématiques, qui ne nous ont pas laissé d'écrits explicites sur ce point. Cependant, ce que l'on sait des différents contextes de production des textes montre que ces buts n'ont pas été partout et toujours les mêmes. Les mathématiques d'époque paléo-babylonienne, élaborées dans le contexte des écoles de scribes, ne semblent guère répondre en priorité à des besoins pratiques et présentent un caractère nettement spéculatif. Celles de l'époque séleucide, élaborées dans le cadre des grandes bibliothèques, sont probablement liées au développement de l'astronomie. Enfin, les pratiques de calcul en usage dans certains milieux marchands, notamment les Assyriens qui assuraient un commerce sur de longues distances entre la Mésopotamie et l'Anatolie, ont un caractère utilitaire manifeste.
Bibliographie
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Ressources en ligne
Sur CultureMATH
- Cécile Michel, Calculer chez les marchands Assyriens au début du IIe millénaire av. J.-C. (2006)
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- Christine Proust, Les numérations anciennes (2007)
Sur d'autres sites
- Cuneiform Digital Library Initiative (CDLI): copies, photos et transcritpion des textes cunéiformes, en particulier des textes mathématiques
- Digital Corpus of Cuneiform Mathematical Texts
- Grégory Chambon, Archaic Metrological Systems from Ur
- Joran Friberg On the Alleged Counting with Sexagesimal Place Value Numbers in Mathematical Cuneiform Texts from the Third Millennium BC
- Pierre Lescanne, Comment calculait-on il y a quatre mille ans?
- Duncan Melville, Bibliography of Mesopotamian Mathematics
- Christine Proust, note de lecture de Høyrup, J.: 2002, Lenghts, Widths, Surfaces. A portrait of Old Babylonian algebra and its kin
- Eleanor Robson, Words and Pictures: New Light on Plimpton 322
- Eleanor Robson, Mesopotamian Mathematics: Some Historical Background
- Jim Ritter, Les nombres et l'écriture (vidéos)
- Dossier de la BNF sur l'écriture cunéiforme
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