Cantor et la France



Compléments mathématiques

Anne-Marie Décaillot et Joël Sakarovitch



Sommaire


Axiome d'Archimède

   L’axiome d’Archimède : « étant donné deux nombres 0 < a < b, il existe un entier n tel que  b < na ».

Pour Cantor ceci n’est pas un axiome, mais un théorème. Actuellement, on le considère comme un axiome, puisque l'on étudie des corps « non-archimédiens ».




Conjecture de Golbach

    Fils d'un pasteur prussien, Christian Goldbach (1690-1764) fait ses études à l'Université de Königsberg. Il voyage à travers l'Europe, et rencontre des mathématiciens célèbres, comme Gottfried Leibniz, Leonhard Euler ou Nicolas Bernoulli. En 1725, il entre à l’Académie des sciences de Russie, à Saint-Pétersbourg, et devient précepteur du futur Tsar Pierre II.

La conjecture de Goldbach selon laquelle tout nombre pair supérieur à 4 est la somme de deux nombres premiers, apparaît dans la correspondance qu’échangent Euler et Goldbach au cours de l’année 1742. En réalité la conjecture originale est formulée de manière un peu différente : tout nombre entier plus grand que 2 est somme de trois nombres premiers (Goldbach admettait 1 comme nombre premier).

Cette conjecture n’a reçu jusqu’à ce jour aucune démonstration. Le résultat le plus proche est établi entre 1973 et 1978 par Jing-Rung Chen (1933-1996)[1].  Il montre que tout nombre pair suffisamment grand peut s’écrire 2n = p + m , où p est premier et m est soit premier, soit le produit de deux nombres premiers (distincts ou confondus).

 Anne-Marie Décaillot

 


L’argument  « diagonal » de Cantor

On veut démontrer que R est non-dénombrable. Supposons tout d’abord que le sous-ensemble [0, 1] de R soit dénombrable et que ses éléments soient énumérés à l'aide d'une suite r = {r1, r2,..., rn,...}. Chaque terme de cette suite a une écriture décimale avec une infinité de chiffres après la virgule (une infinité de 0 pour un nombre décimal).

 

Construisons maintenant un nombre réel x de [0, 1] en modifiant le ne chiffre après la virgule de rn, de la façon suivante : si le ne chiffre après la virgule de rn est différent de 1, alors le ne chiffre de x est 1, sinon le ne est 2. Par exemple, pour la suite r :

 

    r1 = 0 , 0 1 0 5 1 1 0 …

    r2 = 0 , 4 1 3 2 0 4 3 …

    r3 = 0 , 8 2 4 5 0 2 6 …

    r4 = 0 , 2 3 3 0 1 2 6 …

    r5 = 0 , 4 1 0 7 2 4 6 …

    r6 = 0 , 9 9 3 7 8 1 8 …

    r7 = 0 , 0 1 0 5 1 3 0


on a x = 0 , 1 2 1 1 1 2 1...
 

Le nombre x est clairement dans l'intervalle  [0, 1] mais ne peut pas être dans la suite r , car il n'est égal à aucun des nombres de la suite : il ne peut pas être égal à r1 car le premier chiffre après la virgule de x est différent du premier chiffre après la virgule de r; de même pour r2  en comparant les deuxièmes chiffres après la virgule,  etc.

Conclusion : l'intervalle [0, 1] n'est pas dénombrable et a fortiori R ne l'est pas non plus.

Anne-Marie Décaillot



Démonstration de l’existence d’une bijection entre R et Rn  

    Dans une lettre, adressée le 20 juin 1877 à Dedekind [2],  Cantor donne la première démonstration de l’existence d’une bijection entre R et Rn  (où  R désigne l’ensemble des nombres  réels). 

Plus précisément il montre l’existence d’une bijection entre le segment [0 , 1] (l’ensemble des réels compris entre 0 et 1) et le carré [0 , 1]2 (l’ensemble des couples de réels (x, y), tels que  x  et  y  soient compris entre 0 et 1).

L’argument est le suivant :

Si  x  est un réel compris entre 0 et 1, on peut considérer l’écriture «décimale illimitée», selon l’expression de Cantor, de tout réel qui s’écrit d’une façon et d’une seule sous la forme

x = 0, α1 α2 α3 … αn ….            αn  est la nème décimale du nombre réel  x.

Pour construire une bijection de [0 , 1]2   dans  [0 , 1]  il faut associer à un couple de réels  (x, y) (compris entre 0 et 1) un réel  z  (toujours compris entre 0 et 1) ; l’idée de Cantor est de procéder comme suit   :

Si    x = 0, α1 α2 α3 … αn ….      et       y = 0, β1 β 2 β 3 … βn ….

On pose     z = 0, α1 β1α2 β 2 α3 β 3… αn βn ….

La (2n - 1)ème décimale de  z  est donc la nème décimale de  x et la (2n)ème décimale de  z  est la nème décimale de  y.

Il est facile de vérifier que cette application est bijective.

Dans sa lettre, Cantor donne une solution un peu plus générale que celle-ci, montrant directement l’existence d’une bijection entre  [0 , 1]  et  [0 , 1]n  pour tout entier  n, mais le principe de la démonstration est celui décrit ci-dessus.  Enfin le fait d’avoir montré l’existence d’une bijection entre [0 , 1]  et  [0 , 1]n  permet de déduire celle d’une bijection entre R et Rn. Il existe en effet des bijections entre un segment des réels et l’ensemble de tous les réels (par exemple l’application tangente) et il est ensuite facile de vérifier que deux segments quelconques (non vides) sont en bijection entre eux.

La surprise de Cantor devant ce résultat vient d’une certaine confusion, qui sera précisément levée par ses travaux, entre dimension d’espace vectoriel et cardinal d’un ensemble. En tant qu’espaces vectoriels, R et Rn  sont très différents. Mais en tant qu’ensemble de points, ils sont en bijection et ont donc le même cardinal.

Le premier résultat fondamental de la théorie des cardinaux, a consisté à montrer qu’il n’existe pas de bijection entre l’ensemble des entiers et celui des réels (lettres de novembre-décembre 1873 à Dedekind), ouvrant la voie à l’idée de hiérarchie des infinis. Celle-ci sera établie de façon générale par le « théorème de Cantor », énonçant qu’il n’existe pas de bijection d’un ensemble dans son ensemble des parties. L’existence d’une bijection entre R et Rn une sorte de pendant positif du théorème de Cantor, montrant que des ensembles infinis, très différents d’un point de vue mathématique, ont néanmoins même « nombre d’éléments ». Ce sont ces deux résultats qui montrent la richesse de la théorie cantorienne des cardinaux.


Joël Sakarovitch



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[1] CHEN Jing-Rung, « On the representation of a large even integer as the sum of a prime and the product of at most two primes », I et II, Sci. Sinica, 16 (1973), p. 157-176 ; 21 (1978), p. 421-430.

 

[2] Dans Jean Cavaillès, Philosophie mathématique, Paris, Hermann, 1962, p.  200-202.





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