Marco Panza, Isaac Newton , Les Belles Lettres, Paris, 2003, p. 23-25.
A sa naissance, Newton est déjà l'héritier d'un manoir, le manoir de Woolsthorpe, à quelques miles au sud-est de Grantham, dans la partie méridionale du Lincolnshire. Son père — également prénommé Isaac — mort trois mois auparavant, lui a laissé par testament non signé de son nom – il ne savait pas écrire – des terrains, des bêtes et des droits de pâturage. Sa mère, Hannah Ayscough, vient d'une famille aux moyens comparables mais appartenant à l'aristocratie. L'union d'Isaac Newton père et d'Hannah Ayscough relève de l'alliance entre une famille de fermiers parvenus en ascension sociale, mais encore liés à une tradition paysanne, et une famille aristocrate en déclin. Lorsqu'elle se remariera, Hannah Ayscough réservera à son fils le bénéfice de l'héritage paternel et se gardera le droit de décider de son éducation : la mort de son mari permettra à Hannah d'élever son fils comme l'avaient été ses propres aïeux. Isaac Newton fils sera ainsi le premier des Newton ayant appris à écrire.
Il vient au monde, dans l'Angleterre protestante, à l'aube du 25 décembre de l'année 1642. Sur le continent, qui a adopté le calendrier Grégorien — refusé au-delà de la Manche comme un diktat papiste — on est le 4 janvier 1643 ; les chrétiens y ont déjà fêté Noël et l'année de la mort de Galilée (qui s'était éteint à Arcetri , le 9 janvier 1642) a commencé de s'éloigner. L'adoption de la réforme du calendrier par l'Eglise Anglicane permettra plus tard aux biographes de Newton d'associer sa naissance à un repère symbolique, en remarquant qu'il était né le jour de Noël de l'année même de la mort de Galilée...
Le jeune Isaac, lui, vient au monde prématurément ; il est si petit qu'on craint même de ne pouvoir le garder en vie. Il n'a que trois ans lorsque sa mère le quitte pour aller vivre à North Witham, un village près de Woolsthorpe dont elle a épousé le pasteur, le révérend Barnabas Smith. Isaac reste à Woolsthorpe avec sa grand-mère, Margery Ayscough. Du deuxième mariage de sa mère, il retire une parcelle de terrain, et plus tard — probablement lorsque sa mère retourne vivre à Woolsthorpe, à la mort de Barnabas en 1653 — quelques centaines de livres de théologie, qu'il rangera dans sa chambre. Il les abandonnera vite : en 1655 il va vivre à son tour quelques miles plus au nord, à Grantham, chez l'apothicaire Clark, pour pouvoir fréquenter la Free Grammar School of King Edward VI.
À Grantham il étudie surtout la bible, le latin et sans doute le grec, mais aussi les mathématiques, auxquelles il semble avoir consacré beaucoup de temps si l'on se fie au contenu des notes portées dans l'un des cahiers d'Henry Stokes, directeur de l'école de Grantham, mentionnant les programmes courants des écoles secondaires anglaises de la période. Newton s'amuse à construire des petits objets, à dessiner sur n'importe quelle surface, y compris les parois de sa chambre, et à graver son nom partout. Du latin, il se servira toute sa vie ; les premiers rudiments mathématiques, qu'il apprend d'Henry Stokes, lui seront très utiles quelques années plus tard ; et son habileté manuelle l'aidera sans doute dans ses expériences ultérieures d'optique et d'alchimie. En revanche, son amourette d'adolescent avec Miss Storer ne semble pas avoir laissé de traces : il l'oublie vite et on ne lui connaîtra pas, par la suite, de relations sentimentales avec d'autres femmes.
Lorsqu'il atteint l'age de dix-sept ans, sa mère juge qu'il a suffisamment appris pour pouvoir gérer sa fortune : elle le rappelle à Woolsthorpe et lui demande de s'occuper de ses propriétés. Ce n'est pas à cela qu'il aspire et il ne manque pas de le montrer. Son manque d'intérêt pour les affaires de son manoir est si grand, la pression exercée par son oncle William Ayscough — qui avait obtenu, quelques années plus tôt, un Master of Art de Cambridge — et par son maître d'école si forte que, neuf mois plus tard, sa mère se décide à le renvoyer à Grantham pour préparer son entrée à l'université.
Le 5 juin 1661 au matin, Isaac Newton, après un voyage de trois jours le long de l'une des routes les plus importantes d'Angleterre — la Great North Road —, se présente au Trinty College de Cambridge, le plus prestigieux, et peut-être le plus beau de tous ceux qui longent les rivages du Cam. Il passe l'examen d'entrée, est admis avec le statut de sub-sizar et, après avoir prêté le serment rituel, est inscrit dans les registres de l'université le huit juillet .