CultureMATH
|
Note de lecture de Jean Delcourt (Université de Cergy-Pontoise - e-mail)
Version pdf
Gaston Darboux |
Le livre que nous présentons est numérisé sur le site de Gallica. On peut le retrouver en recherchant les livres de Gaston Darboux ou directement à l'adresse :
http://gallica2.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k99639p.r=Darboux.langFR
Il est possible également de passer par le portail de la cellule MathDoc
La qualité de la numérisation est loin d'être parfaite, mais la lecture reste facile.
Gaston Darboux (1842-1917) est un des grands géomètres français, dans la tradition de Monge ou de Chasles. Ce fut d'ailleurs le successeur de Chasles comme professeur de géométrie à la Sorbonne, chaire qu'il occupa pendant trente-six ans.
Darboux est surtout connu pour ses travaux de géométrie différentielle (on disait plutôt géométrie infinitésimale), et le traité le plus célèbre qu'il ait écrit a pour titre «Leçons sur la Théorie générale des Surfaces ». C'est là en particulier qu'il utilise la méthode du trièdre mobile, connu également sous le nom du trièdre de Darboux-Ribaucour.
Le livre que nous présentons a été publié très tardivement : Darboux signe la préface le 10 janvier 1917, il décède le 23 février de la même année; il est basé sur les cours que son auteur dispense depuis 1872. C'est donc un ouvrage d'enseignement, non de recherche. Il devrait être accessible à un «bon élève de mathématiques spéciales », d'après la préface. Sans doute, un élève de spéciales de l'époque de Darboux... Car l'enseignement de la géométrie, et des mathématiques en général d'ailleurs, a beaucoup évolué. Cette distance fait aussi beaucoup du charme de ce livre.
Commençons par décrire la géométrie qu'étudie Darboux : c'est la «géométrie analytique », par opposition à la géométrie infinitésimale. On y calcule avec des coordonnées, sans faire de calcul différentiel. Doit-on la ranger dans le cadre de la géométrie euclidienne, affine, projective? Un peut tout à la fois, mais à proprement parler la question ne se pose pas ainsi : le but de Darboux est de montrer comment l'utilisation des points à l'infini, des points à coordonnées complexes, peuvent permettre de trouver de belles et nouvelles propriété des figures. Donnons quelques indications sur le plan du traité :
- Livre I : Le rapport anharmonique. Cette partie introduit ce qu'on appelle maintenant le birraport, mais aussi les coordonnées homogènes, les homologies, le principe de dualité de Poncelet, et tout cela est appliqué aux coniques.
- Livre II : Définitions métriques. On y retrouve les droites isotropes du plan, les fameux points cycliques, communs à tous les cercles, la formule de Laguerre, la trigonométrie sphérique.
- Livre III : Les théorèmes de Poncelet. Il s'agit des théorèmes concernant les polygones inscrits dans une conique et circonscrit à une autre.
- Livre IV : La géométrie Cayleyenne.
- Livre V : De l'inversion, avec l'étude des cyclides.
Pour donner un avant goût, esquissons la façon dont débute le chapitre II. Il s'agit d'introduire naturellement la mesure des angles à l'aide de notions projectives. Darboux présente ainsi l'idée de départ. Si sur un cercle on a fixé deux points A et B, M étant le point courant, on sait que l'angle incrit (MA,MB) ne dépend pas du point M, mais qu'il en va de même du birapport des quatre droites (MA,MB,MI,MJ), où I et J sont deux points du cercle. Il y a donc une relation entre les deux. On choisit de prendre comme point I et J les fameux points cycliques, qui sont deux points «imaginaires à l'infini », ceux de coordonnées homogènes (1,i,0), (1,-i,0). Si on prend deux droites passant D et D' par O, d'équations y=xtanαx et y=xtanα', alors leurs points à l'infini ont pour coordonnées (1,tanα,0) et (1,tanα',0), et donc le birapport
ce qui donne e2i(α'-α). D'où la formule qu'a écrit Laguerre (ajoutons la précision rituelle «alors candidat à Polytechnique »):
Cette géométrie à l'ancienne a beaucoup de charme. Pour beaucoup de lecteurs modernes certaines parties peuvent paraître dépassées ou inintéressantes, soit parce que les objets étudiés ne les intéressent plus beaucoup, soit parceque les méthodes utilisées paraissent artificielles et peu profondes. Il est sûr que l'utilisation de l'algèbre linéaire, des structures quotients, des groupes et du langage des actions de groupes manquent. Il suffira au lecteur de se (re)plonger dans le cours de géométrie de Berger pour avoir l'éclairage moderne. Mais auparavant, il aura appris ce que sont les cyclides de Dupin...
bbbbbbbbnnnnnnnn