Leonhard Euler: "incomparable géomètre"

Sous la direction de Philippe Henry

        Genève: Médecine & Hygiène, 2007. 236 p. ; 72 ill. ISBN: 978-2-88049-241-0.

        Ouvrage entièrement consacré au mathématicien du XVIIIe siècle, Leonhard Euler, dont on fête les 300 ans cette année (voir page du tricentenaire d'Euler).

 

 

SOMMAIRE

 

 

   Présentation par Siegfried Bodenmann
    « La vie d’un homme savant et studieux est ordinairement étrangère au monde, et n’offre pas des incidens piquans par leur variété. Il est rare qu’elle ait quelque influence sur les événemens dont on est le plus occupé, plus rare encore qu’elle fixe la curiosité par des actions d’éclat. Car quoique la pensée tende à élever l’âme et à perfectionner le coeur ; le goût de la retraite, qui en est la suite, couvre d’une sorte d’obscurité les actions de ceux qui s’y livrent. »[1]

    Si cette description de Pierre Prévost correspond tout à fait à l’image que l’on se fait encore souvent du scientifique – œuvrant seul dans sa tour d’ivoire à quelques travaux d’érudition, tel Saint Jérôme immortalisé par Dürer dans de nombreuses gravures – les sources quant à elles nous peignent un portrait bien différent.

    L’anniversaire de la naissance du mathématicien d’origine bâloise, Leonhard Euler (1707-1783), qui a fêté ses 300 ans le 15 avril de cette année, nous offre l’occasion de s’en rendre compte. Auteur d’une oeuvre importante, qui lui valut une entrée dans le livre des records en tant que mathématicien le plus prolifique de tous les temps et dont la parution en plus de 70 volumes s’achève bientôt après presque 100 ans de dur labeur,[3] Euler fait partie de ces illustres scientifiques dont la vie est remplie d’« actions d’éclat » et « d’incidens piquans ».

    Quittant Bâle à l’âge de vingt ans il se couvre de gloire dans les académies de Saint Pétersbourg et de Berlin et succède bientôt à Johann I Bernoulli, à la tête des sciences mathématiques. Il n’a pas encore quarante ans, pourtant sa renommée est déjà si grande que Gabriel Cramer s’exclame dans une lettre : « Il faudroit étre bien étranger dans la République des lettres pour ne pas connoitre ce que les Mathématiques doivent à Monsieur Euler ».[2] Prenant activement part aux affaires des institutions dont il est membre, ainsi qu’aux grandes disputes scientifiques de son temps, témoin de la guerre de sept ans, du règne de Frédéric II de Prusse et des troubles politiques en Russie, Euler est une figure intéressante à la fois pour les historiens et philosophes des sciences que pour les historiens du XVIIIe siècle.

    L'ouvrage intitulé: Leonhard Euler: "incomparable géomètre" dirigé et majoritairement rédigé par Philippe Henry, doctorant en mathématique de l'Université de Genève, offre au lecteur un voyage richement illustré à travers la biographie et l'oeuvre du grand mathématicien. Conçu dans le cadre d'une exposition du Musée d'Histoire des Sciences de Genève dédiée à Euler, le livre est bien plus qu'un simple catalogue. Alors que l'on compte de nombreuses biographies d'Euler en allemand, la notice biographique d'Anne Aeschlimann et Philipe Henry vient combler un manque patent de la littérature française; en effet, les éloges de Condorcet et de Nicolas Fuss n'ont aujourd'hui encore pas vraiment été remplacées par une biographie digne de ce nom. Ainsi que le remarque Jean-Claude Pont (professeur émérite de l'Université de Genève) dans sa préface, l'oeuvre d'Euler a eu une grande influence sur le développement des sciences mathématiques des XVIIIe et XIXe siècles. L'ouvrage de Philippe Henry consacre donc la plus grande partie de son propos au travail du mathématicien. On y découvre, exposé dans un langage simple et clair, les fameux problèmes des ponts de Königsberg ou du cavalier, le Théorème sur les polyèdres, les travaux sur les carrés magiques, mais aussi les articles et livres plus importants dédiés au développement du cacul infinitésimal et différentiel, à la mécanique, l'astronomie, l'optique, la géographie, la musique, etc.

    On regrettera peut-être l'absence d'un registre des noms de personnes, petit bémol à cette ouvrage qui réussit en 236 pages à nous donner une riche impression de la vie et de l'oeuvre d'un des plus grands mathématiciens du XVIIIe siècle. On le conseillera autant à un public intéressé qu'au lecteur connaisseur de la matière, à qui il apportera un matériel conséquent sous forme d'images et de sources parfois inédites: on découvrira ainsi des extraits de lettres qui n'ont pas encore été éditées dans les Opera omnia ou l'impression d'un manuscrit d'Euler retrouvé dans les archives de la Fondation Martin Bodmer de Genève. On appréciera aussi la comparaison originale de deux des plus fameux textes de vulgarisation du XVIIIe siècle: les Entretiens sur la pluralités des mondes de Fontenelle et les Lettres à une princesse d'Allemagne d'Euler.

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    [1] Prévost, Pierre, Notice de la vie et des écrits de George-Louis Le Sage de Genève […], Genève : J. J. Paschoud, 1805, p. 1.
    [2] Lettre de Gabriel Cramer à Leonhard Euler du 18 juin 1743 (R 459).
    [3] Euler nous a laissé plus de 800 articles parus dans divers périodiques scientifiques de l'époque, 16 livres et près de 3000 lettres que la commission Euler s'efforce d'éditer depuis 1909 dans les Opera omnia. Les deux derniers volumes des oeuvres devraient paraître en 2008 et 2009. L'édition de la correspondance devrait quant à elle être bouclée fin 2010.

 
 
 
 
 
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